Mardi 22 septembre, alors que l’issue du putsch avorté au Burkina Faso monopolisait l’attention, le dictateur congolais Denis Sassou Nguesso annonçait dans un message télévisé pré-enregistré son intention d’organiser un referendum pour modifier la Constitution.
A l’exception de la date, cette annonce n’est une surprise pour personne [1]. L’enjeu de ce coup d’État constitutionnel, pour lui aujourd’hui comme pour le Burkinabè Blaise Compaoré en octobre dernier, est de conserver un siège présidentiel qu’il a obtenu dans le sang, qui est avant tout pour lui un moyen d’enrichissement personnel.
Ces calendriers croisés donnent l’occasion aux autorités françaises de sortir d’une ambiguïté criminelle. La position de principe évoquée par François Hollande au sommet de la Francophonie de Dakar, quelques semaines après la chute de Compaoré, pèse en effet bien peu face aux signaux que les officiels français ont continué d’envoyer à Brazzaville : de la maire de Paris au président de la République, en passant par le Premier ministre et le ministre de la Défense, le général-président a bénéficié cet été de toutes les attentions [2].
Ses proches ne sont pas en reste : à l’instar du général Diendéré, putschiste burkinabè désormais célèbre, deux barons du régime congolais sont décorés de la Légion d’honneur – l’un par Nicolas Sarkozy, l’autre par François Hollande l’année dernière [3]. Il semble ainsi que seule l’affaire dite des « Biens mal acquis » nuise aux relations entre Brazzaville et Paris, qui s’accommode toujours aussi scandaleusement des dictatures pour préserver ses intérêts [4].
Pour Fabrice Tarrit, président de Survie, « François Hollande et la diplomatie française s’enferment dans une position intenable, dans une tradition diplomatique françafricaine qui mêle affichage de supposées valeurs avec des compromissions des plus abjectes. On ne peut pas prétendre soutenir la transition face aux putschistes au Burkina Faso, tout en s’abstenant de condamner publiquement Sassou Nguesso et son clan. La « synthèse » chère au président français ne peut pas s’appliquer lorsqu’il est question de démocratie et de dictature. »
L’association Survie appelle l’exécutif français à condamner publiquement ce passage en force programmé du vieux dictateur et à geler toute coopération sécuritaire et militaire pour ne pas se rendre encore complice de la répression des démocrates qui s’y opposent.
[1] Lire Congo-Brazzaville- Le « consensus » contre la démocratie, Billets d’Afrique n°249, septembre 2015
[2] « Les Congolais ne veulent plus de Sassou… La diplomatie s’en accommode », tribune de Guillaume Desgranges et FabriceTarrit publiée par Survie, 22 septembre 2015
[3] « Congo-Brazzaville : la France persiste dans son soutien à la dictature », communiqué de Survie, 19 décembre 2014
[4] Parmi ceux-ci, il y a évidemment le pétrole, le bois, la gestion du port par Bolloré, etc. mais également la recherche d’alliés pour la COP21 et surtout l’enlisement de la situation en Centrafrique, où Sassou Nguesso a su user de son rôle de « médiateur » pour faire comprendre à la France qu’il y avait la possibilité de lui nuire (Lire « Lutte d’influence entre Sassou Nguesso et la France », Billets d’Afrique n°244, mars 2015).