Pour la France, le président syrien fait «partie du problème, pas de la solution». Mais, alors que Paris mène une offensive diplomatique contre le président syrien, Moscou vient d’annoncer avoir débuté ses frappes aériennes, en collaboration avec l’armée syrienne et avec l’objectif affiché de soutenir Bachar el-Assad contre le groupe Etat islamique.
La France mène actuellement une véritable offensive diplomatique contre le président syrien, toujours au pouvoir à Damas après quatre années de guerre qui ont ravagé le pays, aujourd’hui disloqué. En Syrie, « on ne peut pas faire travailler ensemble les victimes et le bourreau, ce qui exclut Bachar el-Assad d’une solution politique au conflit », martelait François Hollande, le président français, à la tribune des Nations unies, ce lundi.
Pour enfoncer le clou, le ministre français des Affaires étrangères a vertement critiqué la proposition russe d’une résolution devant le Conseil de sécurité des Nations unies en vue de la création d’une large coalition internationale destinée à combattre les partisans du groupe Etat Islamique. Laurent Fabius, qui a tenu ces propos quelques heures avant l’annonce des premiers bombardements russes sur la Syrie, a dénoncé « ceux qui parlent beaucoup, mais qui n’ont pas engagé un avion » au sein de la coalition internationale déjà à l’œuvre depuis plus d’un an dans la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique en Syrie, aux côtés de laquelle la France s’est engagée il y a quelques jours. Le ministre français des Affaires étrangères invitait alors Moscou à combattre l’EI « concrètement », plutôt que « médiatiquement ». Des propos qui tombent à plat, désormais, la Russie ayant lancé ce matin plusieurs raids contre des « positions terroristes » à Hama, Homs et Lattaquié, dans le nord-ouest et le centre du pays.
L’enquête sur l’«affaire César» à Paris
Mais l’offensive française, déjà militaire et diplomatique, passe aussi par le terrain juridique avec l’« affaire César », pseudonyme de ce photographe-légiste qui travaillait pour le compte de l’armée syrienne. Avant de fuir à l’étranger, il a copié et emporté des milliers de clichés de personnes torturées par le régime de Bachar el-Assad. La France avait déjà tenté de porter l’affaire devant les Nations unies, en parlant de « crime de guerre » et de « crime contre l’humanité ». A l’époque, l’affaire n’a pas abouti, en raison notamment du veto russe. Cette fois, la France – à l’instigation de Laurent Fabius – a décidé d’ouvrir une enquête pénale pour « crime contre l’humanité » sur la base des photos de César.
L’objectif est clair : couper toutes les routes qui amèneraient à négocier une éventuelle transition politique en Syrie avec Bachar el-Assad. Il s’agit en fait de couper court à l’initiative russe.
La Russie pointe le danger de l’EI
Pour Moscou, il y a un vrai danger avec le groupe Etat islamique. Celui-ci ne cesse de croître sur le terrain syrien, où il menace directement la base de Lattaquié, seule base navale que la Russie possède sur le littoral méditerranéen. Autrement dit, pour Moscou, il y a le feu à la maison. De plus, avance Moscou, si la Syrie tombe aux mains du groupe Etat islamique, le prochain Etat à être menacé serait le Liban. Enfin, le danger risque de s’étendre à toutes les républiques du Caucase.
L’argumentaire russe repose sur le fait qu’il y a des priorités, et qu’il faut les hiérarchiser : dans le contexte, Bachar el-Assad passe au second plan. Pour Moscou, il faut battre les partisans du groupe Etat islamique maintenant. Il sera temps, ensuite, de trouver une solution politique finale sans Bachar el-Assad. Et pendant cette période transitoire, pour en finir avec la menace islamique, il faut composer avec le régime syrien et son armée. Une armée syrienne qui ne contrôle plus qu’un tiers du territoire syrien, mais compte tout de même encore quelque 100 000 à 200 000 hommes. Peut-on s’en passer dans cette lutte sans merci ? La réponse russe est évidemment non.
La France garde une porte de sortie
Une position russe que ne partage ni l’Arabie saoudite, ni le Qatar. François Hollande et Laurent Fabius affirment également que leurs partenaires européens partagent le même point de vue que Paris. Mais force est de constater qu’officiellement l’Allemagne d’Angela Merkel et le Royaume-Uni de David Cameron affirment tous deux qu’il faut négocier une transition avec le régime de Bachar el-Assad. Madrid affirme la même chose. Les différences sont donc fondamentales, sauf à jouer sur les mots. François Hollande, sans doute pour ne pas avoir les mains liées, affirme qu’il n’est « pas question de négocier avec Bachar el-Assad », mais n’a jamais dit pour le moment en tous cas, « pas question de négocier avec le régime syrien ».