L’actuel président du Gabon peut-il prétendre figurer parmi les héritiers de son père et prédécesseur? Il n’aurait jamais fourni les documents d’état-civil requis par la notaire alors en charge de la succession.
Révélée le 28 septembre par l’hebdomadaire d’opposition Echos du Nord, cette « lettre circulaire » éclaire d’un jour nouveau la saga tourmentée de l’héritage du défunt président gabonais Omar Bongo Ondimba, décédé en juin 2009 dans une clinique de Barcelone.
Dans ce courrier daté du 26 mars 2010 et adressé à « tous les successibles », Me Lydie Relongoué, notaire librevilloise alors en charge de la succession du patriarche disparu, prie instamment les héritiers de lui fournir les documents d’identité requis pour établir l’indispensable « acte de notoriété ». L’article 713 du Code civil gabonais, précise Me Relongoué, stipule que « le successible qui n’a pas pris parti dans un délai de douze mois après l’ouverture de la succession, est réputé avoir renoncé » à celle-ci.
En clair, il reste à cette date deux mois aux négligents pour rejoindre la cohorte des héritiers.
Or, tout indique que l’actuel chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba (alias ABO), fils et… successeur d’Omar au Palais du Bord de mer, pourtant légataire universel au même titre que sa soeur Pascaline, n’a pas transmis à la notaire la pièce d’état civil exigée.
Exclure Ali Bongo de la succession?
De fait, dans le fameux « acte de notoriété », document d’une centaine de pages dont nous détenons une copie, nulle trace d’extrait d’acte de naissance à son nom. « De tous les héritiers, il est le seul à n’avoir pas produit de quoi attester de manière incontestable sa filiation », insiste Chantal Myboto, compagne de Bongo Senior durant une dizaine d’années et mère d’une jeune femme prénommée Onaïda, née des oeuvres du « Doyen ».
« Si Lydie Relongoué avait appliqué la loi à la lettre, poursuit Chantal, elle-même fille d’un baron du régime passé à la dissidence en 2005, elle aurait dû exclure Ali du processus successoral. Mais sans doute a-t-elle hésité à défier ainsi le président de la République. Ce qui d’ailleurs ne la dispensera pas de se voir brutalement écartée en 2014… »
Le 24 septembre, le tribunal de grande instance de Nantes (Loire-Atlantique), ville-siège du Service central d’état civil, devait statuer sur la recevabilité de la requête d’Onaïda ; laquelle assigne son présidentiel aîné, né peu avant l’indépendance du Gabon, afin d’obtenir une copie de son acte de naissance complet. A la demande de Me Claude Dumont-Beghi, l’avocate française d’Ali, qui juge au demeurant cette exigence illégitime, l’audience a été reportée. Prochain rendez-vous dans le prétoire le 22 octobre.
Qui est le père d’Onaïda?
A l’évidence, la démarche de l’insolente cadette, désireuse de sortir de l’indivision afin d’avoir accès à sa part d’héritage -ce qui suppose que la filiation de chacun des héritiers soit établie-, irrite le clan Ali. Dans un « communiqué » diffusé la veille de l’audience avortée, rédigé par l’un des nombreux poètes de cour du Palais et signé « les enfants Bongo Ondimba » -sans qu’au demeurant aucun d’entre eux ne soit identifié-, ceux-ci déplorent « une telle exposition de nos divergences naturelles ».
Ampoulé en diable, le texte exalte les valeurs inculquées à sa progéniture par le défunt Doyen (unité familiale, solidarité fraternelle, partage, amour) et flétrit leur « transgression, manquement aussi injustifiable qu’impardonnable à l’encontre du respect de sa mémoire ». Ce qui ne l’empêche pas, en conclusion, d’entrouvrir une porte: « Tout en apportant notre soutien sans faille à notre frère aîné, nous tendons la main à notre soeur afin qu’elle retrouve la lucidité si utile à la préservation de la dignité du seul élément qui nous unit: le sang Bongo Ondimba. »
Aussi zélée que maladroite -un classique, dans l’entourage d’Ali-, la contre-offensive a pris un tour insolite. Oeil pour oeil, sang pour sang? Divers médias aux ordres de la présidence ont émis des doutes quant à la filiation… d’Onaïda. Mauvaise pioche: antérieur à la naissance de celle-ci, un « acte de reconnaissance d’enfant à naître » a été cosigné le 30 novembre 1990 par Bongo Père et Alain Gareau, alors n°2 du consulat général de France à Libreville. De même, la copie intégrale de l’acte de naissance de l’enfant née de la longue liaison entre Omar et Chantal, délivrée par un officier d’état civil de la ville de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), atteste clairement sa parenté.
« Un tissu de mensonges »
« La vie d’ABO est un tissu de mensonges, martèle Chantal Myboto. Le certificat de naissance figurant dans son dossier de candidature à la présidentielle 2009 était un faux. Son BEPC et son Bac lui ont été donnés, sans qu’ils les aient jamais passés, ni en France ni ailleurs. Son doctorat? Il n’en a pas écrit une ligne. Le 13 mars 2009, la veille du décès de son épouse Edith-Lucie [fille du chef de l’Etat congolais Denis Sassou Nguesso], Omar Bongo Ondimba m’a confié ceci: Ali ne peut garder ni la famille, ni le village. »
Le serment de l’aîné, qui a promis le 17 août de céder « les revenus de la part d’héritage qui [lui] revient » à la jeunesse gabonaise, trouverait-il grâce aux yeux de la maman d’Onaïda? Pas davantage: « Le plus beau cadeau qu’il puisse faire à ses compatriotes, c’est de leur fournir un acte de naissance authentique et de leur dire la vérité sur sa filiation. Cette vérité, il la leur doit. »