« Oui, je le déclare haut et fort et sans ambages, à compter de ce jour, je ne suis plus membre du parti démocratique gabonais » a déclaré Jean-François Ntoutoume Emane, membre du PDG depuis 1971. Une déclaration faite devant une foule considérable devant laquelle il a aussi demandé pardon à Dieu et au peuple gabonais pour avoir soutenu Ali Bongo Ondimba en 2009. La rencontre s’est déroulée le vendredi 2 octobre dans une de ses résidences de Libreville.
Jean-François Ntoutoume Emane, appelé aussi « Jackie mille diplômes’’, a dressé un tableau sombre du pays, mettant un accent particulier sur le niveau de vie actuel de la population gabonaise, sur l’insécurité, avec la forte expansion des crimes rituels, et sur l’économie qui apparaît à ses yeux comme une hécatombe causée par des détournements de fonds et la mauvaise gouvernance : « L’endettement public s’alourdit dangereusement, découlant des préfinancements scabreux des projets…et de la fréquence des emprunts obligataires à des taux pré-médisants. L’investissement réel de l’État est tombé à son plus bas niveau…alors que de nombreux hommes d’affaires étrangers quittent le Gabon…nos réserves sont aujourd’hui à un niveau plus que misérables, jamais atteint depuis des décennies ; nous sommes l’avant dernier (pays) au niveau des réserves, le dernier c’est un pays presqu’en guerre ».
L’orateur, visiblement déçu par le comportement de celui qu’il a soutenu à la présidentielle de 2009, a esquissé un parallèle entre l’attitude d’Omar Bongo Ondimba, son ancien patron décédé en juin 2009, et celle de son successeur, Ali Bongo Ondimba : « … l’administration des hommes n’est pas celle des choses ; en effet la bonne gestion des hommes qui induit le respect qu’on leur doit quel qu’ils soient est sans doute l’une des grandes qualités d’un vrai chef…Omar Bongo qui était un grand homme était habité par de très grandes qualités mais aussi par de très grands défauts ; ce véritable prof de la politique était de tout évidence totalement à l’opposé d’un président autiste, arrogant, plus à l’aise avec les étrangers qu’avec ses compatriotes, complexé devant les vrais intellectuels… ».
Dans ce qu’il a appelé le début de la refondation de la République, J.F. Ntoutoume Emane propose au peuple et à tous les acteurs politiques de réapprendre à se parler « car ceux qui se parlent rarement s’entretuent ». Une invitation au dialogue qui rejoint celle réclamée aujourd’hui par nombre de leaders de l’opposition et du PDG.
Si l’opinion s’attendait à cette démission, l’ancien premier ministre a tout de même surpris le public avec la naissance de son parti politique, le MPDR (Mouvement Patriotique et Démocratique pour la Refondation). La présence de plusieurs membres de l’opposition à cette rencontre a laissé croire que le démissionnaire rejoindrait le Front Uni qui regroupe une partie importante des déserteurs du PDG.
Par ailleurs, la rencontre a été interrompue durant un peu plus de dix (10) minutes par l’orateur lui-même, pris par un malaise. Ce dernier s’est quasiment effondré sur le pupitre. Il aurait été pris par une crampe alors que deux (2) heures de discours s’était déjà écroulées. Il a repris la parole quelques minutes plus tard pour conclure son allocution sans lire ses papiers.
Proche collaborateur de feu Omar Bongo Ondimba, Jean-François Ntoutoume Emane est actuellement âgé de 76 ans. Il occupa le poste de premier ministre de 1999 à 2006.
Georges-Maixent Ntoutoume