Selon les derniers résultats provisoires du premier tour proclamés ce vendredi 16 octobre dans la soirée par la Commission électorale (Céni), Alpha Condé obtiendrait près de 2,2 millions de voix sur environ 92 % des six millions d’inscrits. Un score qui, compte tenu de la participation d’environ 66 %, lui assure une majorité absolue dès le premier tour. Dans la nuit de vendredi à samedi, seuls restaient à annoncer les résultats de Ratoma, la commune la plus peuplée de Conakry, où se trouvent les banlieues favorables à l’opposition.
La Commission électorale n’a pas donné de tendance générale. Elle égrène les résultats région par région et ne les additionne pas. Situation exceptionnelle : ce sont donc les observateurs, les experts et les journalistes qui ont fait ce travail de comptage.
Ce vendredi vers 23 h, le président de la Céni a lu quatre nouveaux procès-verbaux.
Ceux des régions de Kindia, de Pita, de la commune de Matoto et des Guinéens qui votent en Espagne. Désormais, le nombre de suffrages exprimés s’élève à 3,6 millions. A ce nouveau stade de la compilation, Alpha Condé est toujours largement en tête avec près de 2,2 millions de voix. Son principal opposant, Celou Dalein Diallo, est second avec près de 1 million de voix.
Il manque un dernier procès-verbal, celui de Ratoma, une commune de Conakry. Il y a 483 000 électeurs inscrits dans cette ville. Même si Cellou Dalein Diallo obtenait 100 % des suffrages avec une participation de tous les électeurs inscrits, il ne referait pas son retard sur le président sortant et l’éventualité d’un second tour est désormais impossible.
Pour obtenir la majorité absolue, que l’on ne connait pas précisément puisque la Céni n’a pas tout compilé, il faut un peu moins de 2 millions de voix. Avec 2,2 millions de suffrages pour le moment, Alpha Condé obtient donc quoi qu’il arrive la majorité absolue au premier tour. Il est donc réélu. La proclamation des résultats provisoires complets par la Céni aura lieu ce samedi 17 octobre au palais du Peuple. Une proclamation des résultats potentiellement sous haute tension.
Crainte de nouvelles violences
Ces résultats partiels laissent craindre de nouvelles violences politiques, comme avant le scrutin, notamment lors de la dernière manifestation de l’opposition le 9 octobre. Le bilan était de deux morts et 33 blessés. Depuis l’élection, on a également assisté à des affrontements entre partisans de l’opposition et forces de l’ordre.
L’inquiétude de la communauté internationale s’est renforcée après le retrait des sept candidats de l’opposition. Dès le lendemain du scrutin, ils ont appelé à son annulation, dénonçant des fraudes et fustigeant la Commission électorale. Ils menacent aujourd’hui de ne pas reconnaître les résultats et accusent la nouvelle Cour constitutionnelle d’être inféodée au pouvoir.
Pourtant, c’est bien la voie légale que recommande aujourd’hui la communauté internationale, à l’instar de l’Union européenne qui appelle les candidats à recourir à la justice plutôt qu’à la rue. Message entendu par certains, comme Faya Millimono, qui a annoncé à RFI qu’il déposerait des recours. Mais le chef de file de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, refuse cette option et appelle ses militants à rester mobilisés.
Interrogé par RFI sur le risque d’une explosion des violences, le principal opposant au président Condé évoque la perspective de manifestations pacifiques et dénonce les exactions du régime à l’égard de ses militants. Pour les uns, comme pour les autres, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) a tenu cette semaine à faire un rappel à l’ordre, se disant prête à poursuivre ceux qui commettraient des crimes graves.
A Conakry, Thierno Diallo, porte-parole de l’Organisation guinéenne des droits de l’homme (ODGH), a adressé un message a celui ou celle qui sera élu, vendredi 16 octobre 2015 au micro de RFI. Le voici ci-dessous :
« Que celui qui aura gagné fasse preuve d’humilité, et qu’il ne crée pas les conditions d’une explosion de joie qui conduirait à une action contraire. Et que celui qui a perdu accepte humblement, s’il n’est pas d’accord avec les résultats, de faire recours à la Cour constitutionnelle.
Tous les Guinéens sont en partie responsables, à commencer par les organisations de la société civile. Parce qu’on s’est contentés de critiques. Parce que ce qu’il se passe là est la conséquence de notre laxisme en tant que membres de la société civile, des organes chargés des élections, mais aussi de l’Etat et des acteurs politiques.
Que tous les Guinéens fassent preuve de retenue. Gagnants ou perdants, qu’ils tiennent compte du fait qu’on a franchi un cap , le cap de l’élection présidentielle. Et que celui qui sera élu se dise qu’il n’est pas le président d’un clan, ou d’une communauté; il est président de tous les Guinéens. »
Situation extraordinaire: alors que la compilation n’est pas terminée, observateurs, experts et journalistes se mettent au travail et comptent les suffrages exprimés et les voix pour chaque candidat. Les calculatrices chauffent, le verdict est sans appel: même sans le procès verbal de Ratoma, Alpha Condé obtient la majorité absolue.
Céni guinéenne: notre envoyé spécial à Conakry refait le fil de la journée de vendredi