Le 15 octobre 2011, le fondateur de l’Union du peuple gabonais (UPG) s’éteignait à l’âge de 64 ans. Depuis, son parti peine à trouver ses repères et les guerres de leadership sont loin d’être terminées.Etat des lieux et mémoire.
Au lendemain de la célébration du 4e anniversaire de la disparition de Pierre Mamboundou, la gestion de son héritage politique est en débat. On se souviendra que suite à sa disparition, une guerre fratricide opposa ses héritiers putatifs, virtuels ou autoproclamés. Certains avaient alors cru bon de jouer de leur proximité avec sa parentèle pour s’arroger le leadership de sa formation politique. D’autres proclamaient leur proximité idéologique avec lui pour parvenir à leurs fins. Résultat des courses : des scissions en cascades et un net recul pour l’Union du peuple gabonais (UPG).
Sommaire état des lieux
Aujourd’hui, l’UPG est scindée en trois factions. D’abord, l’aile dite légaliste de Mathieu Nziengui Mboumba, qui se réclame d’une «opposition républicaine et responsable». Ensuite, la branche dite loyaliste de Jean de Dieu Moukagni Iwangou, qui revendique un ancrage dans l’opposition dure et affirme lutter pour les principes. Enfin, la tendance dirigée par Bruno Ben Moubamba qui dit combattre contre la «sorcellerie politique».
Les obsèques de Pierre Mamboundou furent une meurtrissure gravissime pour ses militants. De Libreville à Ndendé en passant par Mouila, sa dépouille fut exposée devant des milliers de personnes en pleurs. Dans ces trois villes, des marches furent organisées en son hommage. Alors président de France, Nicolas Sarkozy adressa une lettre de condoléances à la famille du défunt tandis que plusieurs parlementaires français dont François Hollande signaient le livre de condoléances pour vanter ce combattant pour la démocratie et la liberté, sans aucun doute le plus brillant de la classe politique gabonaise de son époque et l’un des plus farouches opposants au régime d’Omar Bongo.
L’héritage de Pierre Mamboundou est-il trop lourd à porter ? L’UPG ne portait-il pas en elle les germes de sa propre destruction au regard de la forte personnalité de Pierre Mamboundou, leader naturel et incontesté ? On note que sous son règne, jamais ce parti n’organisa de congrès. Si Mathieu Nziengui Mboumba siège aujourd’hui au gouvernement après le refus de Jean de Dieu Moukagni Iwangou d’en faire partie, les militants semblent abandonnés à eux-mêmes. Ils assistent impuissants à une guerre des chefs par tribunaux interposés, sans vraiment rien n’y comprendre. «Je voyais en Mamboundou, la lumière, la force de caractère, le charisme, les idées. Un homme sûr de lui et intègre. C’est ce qui m’a poussé à prendre la carte de l’UPG. Mais sa mort a tout désorganisé et c’est comme s’il n’y avait pas de textes régissant le fonctionnement de ce parti», déplore un militant désabusé, ajoutant : «La vérité est que les égos des uns et des autres sont démesurés. Voilà pourquoi l’héritage est lourd à tel point qu’ils ne savent même pas par où commencer pour le gérer. D’où tout le rififi que vous constatez».
In memoriam
Après la mort du «géant» de Ndendé, le gouvernement annonça l’introduction de la biométrie dans le système électoral dès 2013, victoire d’étape d’un combat qu’il avait ardemment mené. Les élections locales de 2012 en permirent l’expérimentation. Le stockage et la sécurité des données biométriques sont assurés conformément à la loi portant protection des données à caractères personnels proposée par Pierre Mamboundou et adoptée en 2009. Cette loi garantit la liberté des citoyens face aux usages des technologies numériques attentatoires à la liberté. Elle décline les limites de l’usage de l’informatique conformément au titre préliminaire de la Constitution. Une grande avancée quant à l’amélioration du dispositif électoral gabonais.
Que ce soit dans le cadre du travail parlementaire ou sur la place publique, les prises de position de Pierre Mamboundou avaient généralement le mérite de débusquer des lièvres et de mettre à mal le régime PDG. N’ayant jamais été aux affaires il jouissait d’une virginité qui lui conférait une audience certaine, aussi bien auprès des populations que dans certaines sphères internationales, qui lui accordaient le bénéfice du doute.
Pierre Mamboundou faisait résolument figure d’un poids lourd de la scène politique gabonaise. Député de Ndendé depuis 1996, le président de l’UPG était réputé pour sa sagacité juridique, son bagout et une certaine rigueur morale et intellectuelle. Il était doté d’une ouverture d’esprit incontestable, d’une culture politique et d’un sens de la dialectique qui en faisant un redoutable débatteur et un communiquant de bon niveau. Voilà un peu ce que ses successeurs peinent à porter.