Port-au-Prince – Les Haïtiens se rendaient aux urnes dans le calme dimanche pour choisir notamment leur futur président, malgré des conditions logistiques délicates, dans l’espoir de tourner la page d’une crise chronique dans laquelle le pays est plongé depuis le séisme de 2010.
A Port-au-Prince, les files d’attente s’allongeaient devant les bureaux de vote à la mi-journée, après une ouverture laborieuse tôt le matin (6H00 locales, 10H00 GMT) marquée par des retards liés à la gestion chaotique des mandataires des partis politiques.
La participation est en nette hausse comparée à celle des dernières élections et c’est dans le calme que les citoyens patientent pour décider de l’avenir du pays le plus pauvre des Amériques.
Les 5,8 millions d’électeurs ont jusqu’à 16H00 (20H00 GMT) pour voter pour le premier tour de l’élection présidentielle, le second tour des législatives et le tour unique des municipales.
Les résultats de ces élections ne devraient pas être connus avant début novembre.
« Aujourd’hui je suis venu voter parce que la situation de mon pays, je considère cela comme une tragédie, depuis des décennies », explique Joseph, après avoir glissé son bulletin dans l’urne.
Dans le lycée de Pétionville, l’un des plus gros centres de vote du pays, l’ambiance est très animée.
Patrick Chérilus est venu voter, avec un intérêt particulier pour le scrutin municipal.
« J’aimerais que Pétionville soit propre et belle, comme quand je suis né. Mais aujourd’hui c’est rempli d’ordures », explique l’homme d’une quarantaine d’années. « Le pays a besoin de plus d’écoles, de plus d’emplois et des structures de santé pour les enfants ».
– 73 arrestations –
Peu après 10h00 (14H00 GMT), la frénésie a gagné le centre de vote avec l’arrivée de Jude Célestin, l’un des favoris pour le scrutin présidentiel.
« Nous allons directement vers une victoire au premier tour », a estimé le candidat du parti Lapeh auprès de l’AFP, appelant ses partisans à continuer de voter dans le calme.
Quelques minutes plus tard, l’actuel chef de l’Etat Michel Martelly est à son tour venu exercer son devoir civique dans ce centre de vote qui concentre plus de 70 bureaux.
L’organisation des états américains a déployé une mission d’observation de 125 membres répartis sur le territoire, dont le chef, Celso Amorim, s’est déclaré satisfait du déroulement des élections.
Les forces de l’ordre dans la capitale sont davantage présentes et visibles que lors du précédent scrutin: le 9 août dernier, le premier tour des législatives avait été émaillé d’incidents violents, causant la mort de deux personnes.
Cette fois, « la police a le contrôle de la situation », se félicite Frantz Lerebours, porte-parole de la police nationale haïtienne, qui s’est dit « satisfait » malgré « quelques tentatives de perturbation ».
La police a procédé à 73 arrestations dimanche, « des personnes qui étaient en possession de plusieurs cartes de vote, d’autres qui détenaient des faux mandats ».
Quelque 10.000 policiers sont déployés, appuyés par la présence discrète d’environ 5.000 policiers et militaires de la Mission des Nations unies (Minustah).
Pour ces élections, c’est la logistique qui s’avère le problème majeur. Faute d’espace dans le lycée de Pétionville, les isoloirs sont posés sur des petites tables ou des coins de bancs.
« C’est vraiment lamentable mais c’est toujours comme ça pour les élections », se désole Frantz Ernso, un observateur d’une organisation de la société civile haïtienne. « Les gens votent accroupis devant des bancs ».
Depuis le séisme ravageur de janvier 2010, qui a fait plus de 200.000 morts et jeté à la rue un million et demi d’habitants, Haïti a entamé un long processus de reconstruction, ralenti par le contexte politique conflictuel.
La crise profonde entre l’exécutif et l’opposition depuis l’arrivée à la présidence de Michel Martelly en mai 2011 a empêché la tenue des élections locales et législatives.
Les élus municipaux, faute de scrutins, ont été progressivement remplacés par des agents exécutifs intérimaires, nommés directement par la présidence. Le parlement haïtien a lui cessé de fonctionner le 13 janvier dernier.
Il y a officiellement 54 candidats en lice pour succéder au président haïtien Michel Martelly. Certains se sont ralliés à des prétendants plus populaires mais, ne l’ayant pas fait dans les délais impartis, leur portrait, leur nom, le symbole et le numéro de leur parti figurent toujours sur le bulletin de vote: un casse-tête pour la moitié des électeurs qui sont analphabètes.