Le président sortant ivoirien a été réélu avec 83% des voix. Les parties de l’opposition qui ne boycottaient pas le scrutin sont laminées.
Sans surprise, il a gagné, et avec un score impressionnant de 83% des voix. Mercredi à l’aube, à l’issue d’une interminable attente, Alassane Ouattara a été déclaré vainqueur du scrutin présidentiel qui s’est déroulé dimanche en Côte-d’Ivoire. Et dès le premier tour, comme prévu.
Tellement prévisible que mardi, en fin d’après-midi, en rendant visite à Henri Konan Bédié, son principal allié politique qui fut longtemps son adversaire, Ouattara n’a pas attendu l’annonce officielle des résultats : il a confirmé implicitement sa victoire en «remerciant» les autres candidats d’avoir participé à cette élection, boycottée par une partie de l’opposition.
9% pour son challenger
Celle qui avait accepté de jouer le jeu électoral sort pourtant laminée de ce scrutin : Pascal Affi Nguessan, son principal challenger qui faisait lui-même face à une fronde interne, ne recueille que 9%, alors que la participation, d’abord annoncée à 60%, a finalement été ramenée à 53%.
Voilà pour les chiffres. Reste à savoir comment vont réagir les autres candidats qui ne récoltent que des scores humiliants, confortant tous ceux qui refusaient de participer aux élections et dénonçaient même parfois un «scrutin truqué».
L’important, c’est la stabilité pour le cacao
Dans l’immédiat, leurs critiques ou même leur colère n’auront guère de portée. L’ensemble de la communauté internationale plébiscite Ouattara et parie sur lui pour poursuivre le redressement du pays, balayant les accusations de fraude ou les dysfonctionnements du scrutin. «La Côte-d’Ivoire, c’est le cacao. L’important, c’est de garantir la stabilité», expliquait sans détour une représentante de l’Union africaine au lendemain du scrutin.
En parcourant Abidjan, la capitale économique, les signes de la croissance sont visibles et peuvent être mis au crédit de ce président qui se veut «bâtisseur», mais aussi «libéral». Il mise sur le secteur privé, principalement étranger, invité à venir profiter des formidables opportunités d’un pays très jeune, premier producteur au monde de cacao, doté également de ressources pétrolières.
Quatre ans et demi après la fin d’une guerre civile qui avait fait plus de 3 000 morts, le redressement est impressionnant. Mais pour l’instant, il ne profite guère aux plus démunis dans ce pays qui aspire à devenir émergent sous la houlette de cet ancien économiste passé par la Banque régionale d’Afrique de l’Ouest et le FMI.
Toujours des rancoeurs
Bien plus, les rancœurs restent vives en l’absence de réelle réconciliation entre les deux camps qui se sont affrontés pendant cinq mois, entre la fin 2010 et avril 2011. «La crise», comme on l’appelle pudiquement en Côte-d’Ivoire, avait éclaté fin 2010, à l’issue de la précédente élection présidentielle qu’Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo, président alors sortant, prétendaient tous les deux avoir remporté.
Gbagbo ayant été finalement arrêté, avec l’aide de la France, et expédié à la Cour pénale internationale (CPI), la voie était libre pour Ouattara, qui s’est immédiatement engagé dans un vaste programme d’infrastructures et d’investissements, aux allures d’un Monopoly grandeur nature.
Pivot de la vie politique
«Il a un carnet d’adresses impressionnant», souligne un bon connaisseur de la politique ivoirienne, en évoquant l’ami de Martin Bouygues et Nicolas Sarkozy. Le premier fut même le témoin du second mariage de Ouattara à Paris, avec Dominique Follorou, une Française depuis longtemps installée en Côte-d’Ivoire, qui avait géré les affaires immobilières de Félix Houphouët-Boigny, le père de l’indépendance, et jouera un rôle clé dans l’ascension politique de son mari.
Ce dernier apparaît sur la scène nationale en 1990, lorsqu’il devient le Premier ministre d’Houphouët-Boigny. Après la mort du «Vieux», Ouattara deviendra vite le pivot autour duquel s’organise la vie politique.
La question autour de sa nationalité d’origine jouera ainsi un rôle central dans la montée des périls, alors qu’il est accusé par certains de ne pas être ivoirien et d’avoir entamé sa carrière internationale en tant que ressortissant de la Haute Volta (l’ancien nom du Burkina Faso). Le soupçon reste vivace encore aujourd’hui, chez tous ceux qui rejettent la proclamation de sa victoire en 2010.
Les «faux» Ivoiriens
Reste qu’à partir de 1995, la Côte-d’Ivoire se retrouve confrontée à une montée inédite de haine à la fois ethnique, régionale et religieuse. Peu à peu, tous les ressortissants du nord du pays, voisin du Burkina Faso, se retrouvent stigmatisés, soupçonnés d’être de «faux» Ivoiriens.
Pendant dix ans, Ouattara sera l’homme à abattre, alternant exil en France et retour parfois périlleux dans son pays. Comme ce 20 septembre 2002, lorsqu’il échappe de peu à la mort en escaladant le mur de l’ambassade d’Allemagne, alors que les miliciens de Gbagbo mettent sa villa à sac.
Le vainqueur des urnes de dimanche a-t-il réellement oublié ces instants terribles ? C’est ce que révélera ce deuxième mandat, placé plus que jamais face au défi d’une réconciliation inachevée.
Maria Malagardis Envoyée spéciale à Abidjan