Fitch Ratings a passé en revue la situation économique, monétaire et budgétaire des pays subsahariens au cours d’une rencontre organisée à Paris, le 08 décembre. Les analystes de l’agence de notation ont offert un diagnostic assez contrasté de quatre poids lourds de l’Afrique subsaharienne francophone : le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Congo-Brazzaville.
Même s’ils ont la même notation « B » de Fitch, Amélie Roux, en charge de ce deux pays francophones, constate des similitudes mais aussi et surtout des divergences entre les deux économies. Plutôt diversifiés et ayant en commun de profiter de l’arrangement monétaire avec la France pour la zone CFA, l’évolution et la gouvernance économique du Cameroun et de la Côte d’Ivoire diffèrent beaucoup.
« Même s’il est encore en dessous de la moyenne subsaharienne, l’endettement du Cameroun s’est fortement accéléré ces cinq dernières années, et cela nous inquiète » indique l’analyste. « La dépendance du Cameroun au secteur pétrolier est faible (ses exportations d’hydrocarbures représentent seulement 2 % de son PIB), mais l’État a des projets d’investissement qui nous paraissent d’un montant élevé par rapport à sa capacité de financement » estime Amélie Roux.
A contrario, en Côte d’Ivoire, « les perspectives d’investissement semblent meilleures, avec une forte implication politique dans le champ économique, et une amélioration de la gestion publique ces dernières années », note l’analyste. Pour cette dernière, le Cameroun est « dans une fin de cycle politique, avec beaucoup d’incertitudes sur la succession du président Paul Biya, renforcées par les questions sécuritaires au nord du pays ». Et la spécialiste de Fitch d’enfoncer le clou sur la différence entre les deux économies : « La Côte d’Ivoire a une économie plus ouverte sur le monde, et mieux intégrée à sa région que le Cameroun, alors que ce dernier reste dépendant des prêts chinois et commerce moins avec ses voisins. »
Le Congo Brazzaville et le Gabon frappés par la chute des cours du pétrole
Notés tous deux B+ par l’agence, ces deux pays ont des problèmes similaires selon Arnaud Louis, analyste de Fitch. « Tous deux très dépendants du secteur pétrolier – avec une production de 50 barils par habitant et par an au Gabon en 2014, contre 23 au Congo – ils souffrent d’une gouvernance en dessous des standards internationaux, notamment avec des indicateurs du Doing business désastreux dans le domaine des démarches administratives et fiscales », fait valoir Arnaud Louis. Pour l’agence de notation, les élections présidentielles prévues en 2016 dans les deux pays et la conjoncture pétrolière morose ont renforcé la perception du risque pour les investisseurs.
La baisse des cours du brut a entraîné une dégradation des finances publiques du Congo Brazzaville et du Gabon, avec un endettement public et extérieur en forte hausse entre 2013 et 2015. « Les perspectives des deux pays dépendront fortement de l’évolution de cours, qui devraient selon Fitch se maintenir autour de 55 dollars le baril en 2016 avant de remonter à 65 dollars le baril en 2017 », indique Arnaud Louis.
Si ces prédictions apparaissaient trop optimistes, une dégradation de la notation sera envisagée. Mais, rappelle l’analyste, l’évolution des volumes de production de pétrole jouera aussi beaucoup sur la situation économique et budgétaire. « De ce point de vue, le Congo Brazzaville semble mieux positionné, avec les projets de Total, Chevron et ENI dans le pays, alors que le Gabon n’a pas de grands gisements en cours de développement pour prendre le relai de sa production actuelle », estime l’analyste de Fitch.
Christophe Le Bec