Les ambassadeurs du Conseil de sécurité de l’ONU, accueillis au Burundi par une nuit de violences à Bujumbura, vont tenter vendredi de convaincre son président Pierre Nkurunziza d’autoriser le déploiement d’une force africaine et de reprendre les discussions avec ses opposants.
Une rencontre avec le chef de l’Etat a commencé vers 14H00 GMT à Gitega, à une centaine de kilomètres à l’est de la capitale burundaise. Les 15 diplomates ont rencontré dans la matinée à Bujumbura le ministre des Affaires étrangères Alain Nyamitwe et le vice-président Gaston Sindimwo, puis des représentants de la société civile, dont les principaux acteurs sont en exil.
Alors que le pouvoir burundais persiste à affirmer que la « paix règne » au Burundi, les Forces républicaines du Burundi (Forebu) ont revendiqué une série d’attaques contre la police dans la nuit à travers Bujumbura.
Selon le porte-parole de la police, Pierre Nkurikiye, ces violences ont fait trois morts – « deux criminels et un civil » – et 13 blessés, et 8 grenades et 4 « explosifs » (terme désignant des obus de petit calibre) ont explosé.
« Les attaques de cette nuit étaient destinées à montrer au Conseil de sécurité que le Burundi est déjà dans la guerre. Le gouvernement s’était préparé à ces attaques si on se réfère au dispositif de sécurité déployé », a expliqué à l’AFP un cadre des Forebu sous couvert d’anonymat.
La visite de vendredi est la deuxième du Conseil de sécurité de l’ONU en moins d’un an au Burundi. Le pays est plongé dans une grave crise depuis l’annonce fin avril de la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat controversé.
Ce déplacement marque l’inquiétude internationale d’une nouvelle spirale incontrôlable dans ce petit pays d’Afrique des Grands Lacs, à l’histoire post-coloniale jalonnée de massacres entre majorité hutu et minorité tutsi.
Les violences actuelles ont déjà fait plus de 400 morts et contraint à l’exil plus de 200.000 personnes, selon l’ONU, dont le Haut-Commissaire aux droits de l’Homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a récemment mis en garde contre « une dimension de plus en plus ethnique de la crise » et un « effondrement complet de l’ordre public (…) imminent ».
– ‘force d’invasion’ –
Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) a décidé mi-décembre l’envoi d’une Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu), forte de 5.000 hommes, pour tenter d’enrayer la crise, mais M. Nkurunziza a prévenu qu’elle serait considérée comme une « force d’invasion et d’occupation » et combattue comme telle.
Vendredi matin, le chef de la diplomatie burundaise a fait savoir, après avoir sa rencontre avec les ambassadeurs, que Bujumbura n’avait « pas changé de position » concernant la Maprobu. M. Nyamitwe a assuré avoir « donné des gages de la volonté du gouvernement de faire progresser le dialogue » avec les adversaires du 3e mandat, large front rassemblant l’opposition, la société civile et une frange du propre parti de M. Nkurunziza, le CNDD-FDD.
Ceux-ci estiment que ce 3e mandat viole la Constitution et l’Accord d’Arusha ayant permis la fin de la guerre civile entre l’armée – alors dominée par la minorité tutsi – et des rébellions hutu, dont le CNDD-FDD, qui fit 300.000 morts entre 1993 et 2006.
Des pourparlers entamés mi-juillet 2015 à Bujumbura sous l’égide du président ougandais Yoweri Museveni avaient été brutalement interrompus à deux jours de la présidentielle controversée du 21 juillet, lors de laquelle M. Nkurunziza a été réélu. Les parties ont péniblement renoué le contact début janvier en Ouganda, mais les discussions n’ont pas repris, faute d’accord sur leurs modalités.
Selon M. Nyamitwe, il y aura « probablement » une nouvelle rencontre avec les anti-3e mandat, mais le gouvernement a demandé à discuter des participants avec la médiation ougandaise. Bujumbura refuse toujours de discuter avec la principale coalition d’opposition en exil, le Cnared, dont elle accuse des membres d’avoir pris part à la tentative de coup d’Etat militaire des 13 et 14 mai.
La mise en échec de ce putsch, la brutale mise au pas des quartiers contestataires de Bujumbura après six semaines de manifestations et la réélection de M. Nkurunziza n’ont pas empêché l’intensification des violences. Des petits groupes armés harcèlent désormais régulièrement la police.
Mise sur pied en décembre avec l’objectif avoué de chasser M. Nkurunziza du pouvoir, la rébellion des Forces républicaines du Burundi a annoncé peu avant l’arrivée de la délégation onusienne, avoir porté à sa tête le général Godefroid Nyombare, chef des putschistes de mai.
« C’est vrai qu’il y a des problèmes », a admis le vice-président burundais Gaston Sindimwo, après avoir rencontré les diplomates, mais « le gouvernement du Burundi va tout faire en son pouvoir pour amener la paix et la sécurité ».