Les deux premiers jours du procès de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé devant la Cour pénale internationale (CPI) ont été l’occasion pour le bureau de la procureure de résumer les preuves que l’accusation présentera. Décryptage.
Ce qu’il faut retenir de l’ouverture du procès de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé devant la CPI
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Eric MacDonald en première ligne
On attendait Fatou Bensouda, c’est son premier substitut Eric MacDonald qui a fait la majeur partie de l’argumentaire. C’est lui qui sera en première ligne et mènera l’accusation pendant tout le procès. Lors de celui de Thomas Lubanga, il avait déjà endossé ce rôle. Entré à la CPI en 2005, cet avocat canadien était auparavant procureur au sein des Chambre spéciales pour les crimes graves de la Mission intégrée des Nations unies au Timor oriental.
Un récit mieux structuré
Si les partisans de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé estiment que « le bureau de la procureure n’a rien apporté de nouveau », force est de constater que son récit, même s’il a parfois emprunté quelques raccourcis, est aujourd’hui mieux structuré que lors de l’audience de confirmation des charges de mars 2014. À cette époque, les juge de la CPI avaient demandé à Fatou Bensouda et son équipe de muscler leur dossier.
Jeudi 28 et vendredi 29 janvier, le bureau de la procureure a pris soin, après chaque exemple cité, d’assurer qu’il montrait bien que les prévenus avaient « participer à la création et à la mise en place d’un plan commun visant à maintenir Gbagbo au pouvoir ».
Cinq événements mis en avant
Le bureau de la procureure a détaillé les cinq événements qu’il a choisi de mettre en avant pour prouver la culpabilité de Charles Blé Goudé et de Laurent Gbagbo. Pour étayer son propos, l’accusation a diffusé plusieurs vidéos tournés lors de ces événements. L’une montrait des manifestants pro-Ouattara marchant sur la passerelle au dessus de l’autoroute du Nord en direction de la RTI, le 16 décembre 2010. On pouvait y voir un véhicule du Centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos) arriver sur les lieux. Puis, des tirs nourris se faire entendre pendant plusieurs secondes.
Une deuxième vidéo tournée lors de la marche des femmes pro-Ouattara à Abobo, le 3 mars 2011, montrait des images à la limite du supportable. On y voyait des femmes étendues sur le sol, baignant dans leur sang. Certaines étaient défigurées par l’impact des balles. Enfin, dans un autre extrait d’une vidéo filmée en février au bar Le Baron à Yopougon, on voyait Charles Blé Goudé déclarer : « Dans tous les quartiers, vous devez empêcher l’Onuci de circuler. Vous devez dénoncer toutes les personnes étrangères qui viennent dans votre quartier ».
De nouvelles preuves ?
Le bureau de la procureure a montré plusieurs documents versés au dossier, qui ont été récupérés dans la résidence de Laurent Gbagbo, ce qui confirme la saisie réalisée par les Français dans ce même endroit le soir de la capture de Gbagbo, le 11 avril 2011 – une anecdote révélée fin 2013, sans être démentie, par Jean-Christophe Notin dans Le Crocodile et le Scorpion (Éditions du Rocher). C’est ce que nous indiquions dans notre enquête sur les coulisses du procès.
Pourquoi, selon l’accusation, sont-ils coupables ?
L’accusation a achevé son propos par la justification des quatre charges de crimes contre l’humanité retenues contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé.
Dans le cas de l’ancien président, Eric MacDonald a estimé que ce dernier « a conçu et adopté le plan commun (…) Il a établi une structure militaire qui lui était loyale. Il a coordonné, donné un appui aux milices de jeunes. Sans sa contribution, les crimes n’auraient pas eu lieu, ou pas de cette façon. Gbagbo était conscient que les crimes se produiraient, il savait que le plan commun aboutirait à ces crimes ».
Il a ensuite déclaré que la contribution de Blé Goudé au plan commun était essentielle » évoquant « le contrôle particulier qu’il exerçait sur la jeunesse pro-Gbagbo par le recrutement, la formation et le financement ».
Vincent Duhem