spot_imgspot_img

Gabon : il faut DI-VER-SI-FIER !

Alain Faujas est spécialisé en macro-économie (mondiale et tous pays) ainsi qu’en politique intérieure française.

La « maladie hollandaise » dont souffre le Gabon depuis des décennies le met en danger au moment où l’effondrement des cours du pétrole sous la barre des 30 dollars nécessiterait le renfort d’autres secteurs.

Comme aux Pays-Bas en 1959, l’hypertrophie de la manne pétrolière y a provoqué une décadence de l’industrie, des comportements de rentiers, du gaspillage financier, une baisse des qualifications dans les autres domaines d’activité, etc. Tout ce qui rend le Gabon, qui tire de l’or noir la moitié de ses recettes budgétaires, difficile à manœuvrer dans la tempête actuelle.

Le Premier ministre avait prédit une croissance de 5 % en 2015. Ce fut 4 % selon le FMI, et même 2,5 % si l’on en croit la Coface, leader mondial de l’assurance-crédit. Les agences de notation Standard & Poor’s et Fitch Ratings ont dégradé la qualité de la dette gabonaise, passée de 16 % du PIB en 2011 à 35 % en 2015. Elle devrait même atteindre 42 % en 2016, estime Jean-Louis Daudier, économiste senior à la Coface, « ce qui représente une très importante augmentation au moment où le coût des emprunts remonte fortement ».

Le solde de la balance des transactions extérieures courantes, qui était jusque-là positif, à 8 % du PIB, a viré au déficit (de 2 % l’an dernier, selon le FMI). Et le franc CFA ne permet pas de compenser la perte des recettes d’exportations, car il est arrimé à l’euro et baisse peu alors que les monnaies des autres pays pétroliers se dévaluent très vite contre le dollar, comme le prouvent le recul de 25 % du naira nigérian et celui de 60 % du kwanza angolais depuis 2014. « Les pays CFA y gagnent en stabilité, mais perdent en flexibilité. Ils ne peuvent pas réagir en jouant sur le taux de change face au choc pétrolier », commente Sylvain Barthélémy, de TAC Economics.

Les activités du Gabon demeurent centrées sur les richesses de son sous-sol (pétrole, manganèse, or) et de sa forêt

Le président Bongo Ondimba est pris en tenaille entre des impératifs contradictoires : la politique contre l’économie. Il a taillé dans les dépenses les moins vitales, mais l’élection présidentielle pourrait le faire céder à la tentation d’ouvrir les vannes budgétaires. Le court terme contre le long terme : il entend préserver les investissements pour ne pas dévier de son Plan stratégique Gabon émergent (PSGE), mais cela suppose de donner un tour de vis supplémentaire aux dépenses courantes afin de ne pas aggraver le déficit budgétaire. De plus, l’émergence continue d’être parasitée : sous prétexte de favoriser les entreprises privées, les administrations ont accordé à certaines d’entre elles des exonérations fiscales ou douanières qui, selon le FMI, amputent gravement les recettes de l’État sans vraiment aider le pays à diversifier son économie.

Car le défi est là : les activités du Gabon demeurent centrées sur les richesses de son sous-sol (pétrole, manganèse, or) et de sa forêt. Faute d’infrastructures et surtout faute d’une main-d’œuvre suffisamment formée, les politiques de diversification ne sont pas parvenues à leurs fins. Certes, les plantations de palmiers à huile du singapourien Olam sont entrées en production, la Comilog enrichit enfin le manganèse en le transformant en silico-manganèse, l’okoumé n’est plus exporté sous forme de bois brut, ou seulement vers la Chine. Mais c’est peu et c’est tard.

Le médiocre climat des affaires, dû à une administration si peu compétente que le président s’est ingénié à la contourner en recourant à des agences spécialisées, a découragé les investisseurs privés. Ceux-ci auraient pourtant pu compenser la chute d’activité du BTP, des transports, du commerce et des services sous l’effet des économies budgétaires et du ralentissement de la recherche pétrolière.

Il va falloir bien du courage au président Bongo Ondimba pour prendre à rebrousse-poil une population vivant pour un tiers en dessous du seuil de pauvreté
Le FMI n’est pas optimiste. « Étant donné le recul des prix du pétrole, il sera probablement nécessaire au début de 2016 d’adopter des mesures fiscales supplémentaires et d’agir de manière résolue pour s’attaquer à la croissance de la masse salariale et réduire davantage les subventions aux carburants », déclarait le 24 décembre 2015 Montfort Mlachila, à l’issue de la mission du FMI qu’il dirigeait à Libreville.

Nous y sommes, et il va falloir bien du courage au président Bongo Ondimba pour prendre à rebrousse-poil une population vivant pour un tiers en dessous du seuil de pauvreté. La priorité qu’il donne aux dépenses sociales fera-t-elle accepter aux Gabonais la remise en cause d’habitudes néfastes en temps de crise mais solidement ancrées dans leurs esprits ? Ou bien les grèves et les manifestations le feront-elles reculer ?

Alain Faunas

Mis à jour le 18 février 2016 à 09h52

Exprimez-vous!

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

spot_imgspot_img

Articles apparentés

spot_imgspot_img

Suivez-nous!

1,877FansJ'aime
133SuiveursSuivre
558AbonnésS'abonner

RÉCENTS ARTICLES