À l’approche de l’élection présidentielle, les vieux routiers de la politique se sentent pousser des ailes. Les voilà tous sur le plot de départ. Et les jeunes, dans tout ça ?
Le changement ? Ça n’est toujours pas maintenant ! Ceux qui rêvaient de voir les dinosaures de la politique prendre leur retraite vont devoir attendre. Poussés hors des sphères du pouvoir, ces derniers ont basculé dans l’opposition et n’ont aucune intention de passer la main. Même s’ils ont trente, voire quarante années de vie publique au compteur, il est désormais clair que certains d’entre eux seront en lice pour la présidentielle, qui doit se tenir au second semestre. Et que les jeunes n’ont pas recueilli les dividendes de l’accession d’un quinquagénaire au Palais du bord de mer, en 2009. Dans un pays où, selon le dernier recensement, 62,3 % de la population a moins de 24 ans, c’est tout de même étrange.
Parti avant les autres, Jean Ping (73 ans) se pose en concurrent d’Ali Bongo Ondimba et se présente en homme neuf. Comme pour faire oublier plus de trente années passées au gouvernement… « Mao », comme on le surnomme, est en effet loin d’être un inconnu du sérail. Il est même un pur produit du régime de Bongo père. Dans la caravane du candidat, les alliés et compagnons de route ont, eux aussi, les tempes grisonnantes, comme l’ancien Premier ministre Jean Eyéghé Ndong (69 ans) ou l’ex-ministre des Sports René Ndémezo Obiang (68 ans).
Au sein de l’Union nationale (UN), devenue le plus important parti d’opposition, les jeunes rongent leur frein en attendant leur heure, qui tarde à venir. Créé par des quinquagénaires ambitieux, le courant des Souverainistes a dynamisé la vie politique pendant quelques mois. Mais, combattus par le président du parti, Zacharie Myboto (77 ans), ces Souverainistes se font désormais si discrets que leur courant a perdu peu à peu de son attrait. Les caciques de l’UN pourraient, eux, soutenir la candidature de l’ex-Premier ministre, Casimir Oyé Mba (73 ans).
Candidat en 1993, en 1998 et en 2009, le très narcissique maire de Mouila n’avait recueilli que 2 576 voix (0,76 %) à la dernière élection présidentielle
Parmi les sexagénaires, Pierre Claver Maganga-Moussavou (63 ans), du Parti social-démocrate (PSD), a déjà annoncé qu’il irait à la conquête du graal. Candidat en 1993, en 1998 et en 2009, le très narcissique maire de Mouila n’avait recueilli que 2 576 voix (0,76 %) à la dernière élection présidentielle. Il n’envisage pourtant pas une seconde de se ranger derrière un autre candidat.
Dans la liste des prétendants possibles, Raymond Ndong Sima (61 ans) fait presque figure de jeunot. Mais il a décidé de prendre son temps pour dire s’il sera candidat. S’il se jette dans la bataille, l’ex-Premier ministre (février 2012-janvier 2014), ancien du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) en rupture de ban, en sera à son premier essai. Et ça le démange… Quand il écrit dans son livre Quel renouveau pour le Gabon ? (éd. Pierre-Guillaume de Roux, 2015) qu’« il est urgent de proposer un horizon serein afin d’inscrire le Gabon dans une dynamique de croissance saine et forte pour que ce pays devienne une zone de prospérité capable d’entraîner à sa suite l’ensemble de l’Afrique centrale », on s’attend à le voir joindre le geste à la parole. Rien de mieux qu’une image de réformateur pour incarner le renouveau.
Qui sont les « nouvelles générations » ?
Au milieu des dinosaures, quelques jeunes loups se fraient péniblement un chemin, avec pour principal handicap leur déficit de notoriété. Ils pâtiront aussi, immanquablement, de la maigreur de leurs budgets de campagne. Bruno Ben Moubamba (48 ans), qui a récolté 963 voix (0,28 %) en 2009, a mis la main sur une tendance de l’Union du peuple gabonais (UPG). Il ira à la présidentielle avec le soutien de ce parti affaibli par des querelles de succession.
Par ailleurs, outre Maganga-Moussavou, d’autres leaders punus ayant plus d’expérience et d’argent pourraient lui disputer le vote « identitaire » de la deuxième ethnie la plus nombreuse du pays. En l’occurrence, Didjob Divungi Di Ndinge (69 ans), l’ex-vice-président de la République, et Jean de Dieu Moukagni Iwangou (56 ans), le leader de l’Union du peuple gabonais (UPG). Ce n’est pas gagné.
On reproche aussi aux « nouvelles générations » leur incapacité à concevoir un discours susceptible de susciter une adhésion transethnique de la jeunesse. Un défi que veut relever Dieudonné Minlama Mintogo (47 ans), président de la Convention nationale de l’interposition. À la surprise générale, cet agronome venu de la société civile va se présenter contre Ali Bongo Ondimba. « Je n’ai pas compris pourquoi le maire d’Oyem, Vincent Essone Mengue [pour justifier son soutien à Jean Ping], menait campagne pour empêcher la candidature de tout Gabonais issu de l’ethnie fang à la présidentielle au motif que les Fangs ne seraient pas aimés dans ce pays ! » s’insurge-t-il.
En effet, Essone Mengue est un Fang. Or il soutient Ping, qui ne l’est pas. Ce qui va à l’encontre de la logique ethnique gabonaise. Pis, pour justifier son soutien à l’ancien chef de la diplomatie, il demande même aux Fangs de ne pas présenter de candidat en expliquant que les autres Gabonais s’en méfient et que, pour chasser les Bongo Ondimba, il faut un candidat issu d’une « ethnie consensuelle » – en l’espèce, les Nkomis, dont est issu Ping. Minlama, qui s’indigne de cette manière de concevoir la politique, a donc déposé une candidature de témoignage.
Au Gabon, l’enjeu, à moyen terme, est non seulement de renouveler l’élite qui gouverne, mais aussi l’art de faire de la politique.
Georges Dougueli