Blaise Compaoré, l’ancien président burkinabé, en exil en Côte d’Ivoire depuis sa chute en octobre 2014, a obtenu la nationalité ivoirienne deux semaines après son arrivée dans le pays d’Alassane Ouattara. La nouvelle, qui n’a été révélée que mardi, fait polémique. Car elle exclut l’extradition de l’ex-chef d’Etat burkinabé visé par un mandat d’arrêt international.
L’ex-président burkinabé Blaise Compaoré est officiellement ivoirien. Sa naturalisation daterait de 2014, mais n’a été révélée que mardi. «M. Compaoré Blaise, né le 3 février 1951 à Ouagadougou (…) est naturalisé ivoirien», établit un décret publié dans le journal officiel ivoirien le 18 janvier 2016, mais qui vient d’être dévoilé par les médias ivoiriens. Ce décret, signé par le président ivoirien Alassane Ouattara, est daté du 17 novembre 2014, soit à peine plus de deux semaines après la chute de M. Compaoré le 31 octobre 2014 sous la pression populaire. François Compaoré, le frère cadet de Blaise, a également demandé et obtenu la naturalisation ivoirienne, selon le journal officiel.
La nouvelle n’a pas manqué de faire réagir les ressortissants des deux pays, les uns jugeant cette mesure honteuse, l’ancien dirigeant faisant l’objet de poursuites dans son ex-pays, les autres l’estimant tout a fait légale. En effet, M. Compaoré, en exil en Côte d’Ivoire depuis qu’il a été destitué, est marié à une Franco-Ivoirienne – Chantal Terrasson de Fougères- depuis 30 ans. Or, la loi ivoirienne permet à quiconque épouse un Ivoirien d’obtenir cette nationalité sur le champ.
COMPAORÉ NE SERA PAS EXTRADÉ
Toutefois, le contexte est particulier : un mandat d’arrêt international a été délivré à son encontre en décembre dernier pour son implication présumée dans la mort de l’ancien chef d’Etat Thomas Sankara. De fait, ses détracteurs fustigent une manœuvre tactique visant à échapper à la justice de son pays – la Côte d’Ivoire n’extrade pas ses ressortissants. Ils arguent qu’il aurait pu demander sa naturalisation il y a des années déjà. Les mécontents dénoncent aussi la poignée de main «hypocrite» de M. Ouattara au nouveau président burkinabé, Roch Marc Christian Kaboré, le mois dernier à Addis-Abeba.
Rappelons que Compaoré fut l’un des principaux soutiens internationaux de Ouattara avant son élection et surtout lors de la crise post-électorale en Côte d’Ivoire en 2010-2011. Alassane Ouattara avait par ailleurs qualifié en décembre dernier la présence de son invité de «tout à fait normale», vantant «l’excellente relation de fraternité et de coopération» entre les deux pays voisins.
Thomas Sankara, que l’on surnomme parfois le «Che Burkinabé», ou le «Che africain», a été abattu, après quatre années au pouvoir, le 15 octobre 1987 lors d’un putsch qui a porté son compagnon d’armes Blaise Compaoré au pouvoir. Pendant son règne de 27 ans, qui a suivi, la question de l’assassinat de Sankara est restée taboue. Il avait même refusé à Mariam Sankara, la veuve, l’ouverture d’une enquête malgré sa plainte contre X déposée au nom de ses deux enfants en France, où elle s’est installée en 1990. Les ossements de M. Sankara ont été exhumés fin mai, et les premiers résultats de l’enquête -qui devaient être révélés le jour du putsch raté, mais l’ont finalement été en octobre- ont sans surprise confirmé que le «père de la révolution» burkinabée, icône du panafricanisme qui s’est notamment battue contre les tares de la Françafrique, a bel et bien été assassiné à l’âge de 37 ans. L’autopsie a conclu qu’il avait «été purement et simplement criblé de balles». La cause officielle du décès était jusque-là… «mort naturelle».