En Libye, le chef du gouvernement mis en place sous l’égide des Nations unies est finalement arrivé mercredi 30 mars à Tripoli. La venue de Fayez el-Sarraj a provoqué une dégradation de la situation dans la capitale. Dans le même temps, son arrivée a été saluée par l’Union européenne, les Etats-Unis, l’envoyé spécial de l’ONU et le chef de la diplomatie française. Seulement, ce gouvernement, reconnu par la communauté internationale, est contesté par deux autres gouvernements parallèles, non reconnus : l’un à Tripoli, l’autre à Tobrouk. C’est donc un face-à-face entre miliciens auquel ont assisté les habitants de Tripoli mercredi soir.
Depuis le 10 mars, les Nations unies poussent pour que le gouvernement d’union nationale s’installe dans la capitale libyenne. Depuis hier, c’est chose faite. Le Premier ministre Fayez el-Sarraj et une partie de son conseil occupent la base navale de Tripoli par laquelle il est arrivé, ne pouvant venir par les airs. Mais les autorités islamistes non reconnues de la capitale l’ont aussitôt sommé de partir. Le bras de fer fait craindre une escalade de la crise.
Accrochages place des Martyrs
D’un côté, la garde du Premier ministre reconnu par la communauté internationale, Fayez el-Sarraj, autour de la base navale d’Abu Sittah, qui se trouve dans le port de Tripoli. De l’autre, les milices du gouvernement à dominante islamiste baptisées Aube de la Libye, qui tiennent plusieurs points névralgiques de la capitale.
Tout avait commencé dans l’après-midi, quand une vedette militaire avait débarqué Fayez el-Sarraj, sous la garde des troupes du ministère de l’Intérieur. Cela faisait plusieurs jours que le « gouvernement d’union nationale » mis en place par l’ONU annonçait son arrivée imminente à Tripoli, malgré l’opposition résolue et les menaces d’Aube de la Libye, qui profite de son contrôle de l’aéroport.
Cette arrivée soudaine a donc fait monter la tension d’un cran. En ville, les mouvements de pick-up et de blindés ont rapidement commencé. Les boutiques ont été fermées et les rues se sont vidées. Immédiatement, les dirigeants d’Aube de la Libye ont sommé M. Sarraj de quitter la capitale. De violents accrochages ont alors éclaté, notamment autour de la place des Martyrs, toute proche du port.
Dans la soirée, une chaîne de télévision proche des milices islamistes a été prise d’assaut et son personnel expulsé. Aucun bilan de ces affrontements n’est encore connu. On ignore encore quels secteurs sont désormais sous le contrôle des forces du gouvernement d’union nationale. Un calme relatif est revenu. Les vols à destination de Tripoli sont désormais déroutés vers Misrata.
De nombreuses questions
A Tobrouk, du côté de l’autre gouvernement non reconnu, il n’y a eu aucune déclaration sur la situation dans la capitale. Ses responsables ont simplement estimé que la venue de Fayez el-Sarraj à Tripoli était « prématurée ».
Le Premier ministre en place à Tripoli a demandé aux nouveaux arrivants de repartir ou de se soumettre à son autorité. Les heures et jours qui viennent vont être cruciaux. Y aura-t-il une nouvelle bataille de Tripoli, entre les partisans du gouvernement de Sarraj et ceux du pouvoir en place ? Comment vont réagir les ministères et les principales administrations comme la société de pétrole et la Banque centrale. Martin Kobler, représentant de l’ONU pour la Libye, a affirmé que les Nations unies étaient prêtes à fournir tout le soutien et l’aide voulue à Sarraj. Le Quai d’Orsay a été plus précis en évoquant un soutien total pour mettre fin à la progression de Daech.
Tous les pays de la région attendent une nouvelle donne politique en Libye parce que c’est une question vitale, c’est une question de sécurité, sinon c’est Daech qui continue de progresser.
Jean-Marc Ayrault