La procédure de destitution de la présidente brésilienne Dilma Rousseff doit aller jusqu’à son terme au Sénat, a préconisé mercredi le rapporteur de la Commission parlementaire chargée de présenter un rapport non contraignant sur le sujet.
Le rapporteur Jovair Arantes s’est dit favorable à la recevabilité «juridique et politique» de l’accusation et à l’ouverture «au Sénat d’une procédure» contre la dirigeante de gauche, accusée de maquillage des comptes publics par l’opposition.
Les 65 députés de cette commission, représentative des forces en présence à l’Assemblée, disposent à présent de deux jours pour amender le texte du rapporteur avant de le voter ou de le rejeter lundi.
Le rapport sera soumis la semaine prochaine au Congrès des députés, où un vote à la majorité des deux tiers (342 sur 513) sera requis pour renvoyer la procédure au Sénat, faute de quoi elle serait automatiquement abandonnée.
Si la procédure franchit cette première étape, il appartiendra aux sénateurs de décider d’ouvrir ou non un procès en destitution contre Mme Rousseff.
La présidente serait alors écartée du pouvoir pendant un délai maximum de 180 jours – elle serait remplacée par le vice-président Michel Temer – en attendant la décision finale des sénateurs, à la majorité des deux tiers.
La réunion de la Commission spéciale, qui avait débuté dans une ambiance houleuse, s’est achevée avec l’hymne national retentissant au milieu d’applaudissements et de cris, ceux des députés de l’opposition lançant «Le PT (Parti des travailleurs, au pouvoir) dehors!», tandis que des partisans de Mme Rousseff scandaient «Il n’y aura pas de coup (d’Etat)!».
Trente membres de la Commission sont actuellement favorables à la destitution de la présidente et il ne leur manque que trois voix pour avoir la majorité, tandis que 18 sont au contraire fermement décidés à voter contre et 17 sont indécis, selon le quotidien O’Globo.
L’avocat général de l’Etat brésilien et ex-ministre de la Justice de Mme Rousseff, José Eduardo Cardozo, avait dénoncé lundi devant la Commission une procédure dépourvue de fondement juridique sérieux et s’apparentant à un «coup d’Etat sans baïonnettes».
Très impopulaire, Mme Rousseff est engluée dans une crise politique historique, envenimée par l’énorme scandale de corruption Petrobras qui éclabousse son Parti des travailleurs et les autres formations de sa coalition désormais en lambeaux.
Le vent politique souffle contre la présidente, accusée d’avoir maquillé les comptes publics en 2014 (année de sa réélection) et en 2015, via des tours de passe-passe budgétaires qui la rendraient coupable, selon l’opposition, de «crimes de responsabilité» prévus par la Constitution.
– Manoeuvres ‘scandaleuses’ –
Mais l’arithmétique parlementaire joue, a priori, plutôt en faveur de la présidente.
L’opposition devra obtenir le vote d’au moins les deux tiers des députés (342 sur 513) pour que la procédure de destitution soit transmise au Sénat qui aurait ensuite le dernier mot.
A l’inverse, un tiers des votes suffiront à la présidente pour sauver son mandat, et donc pour pouvoir tenter de sortir le géant émergent d’Amérique latine de la récession économique.
Le camp présidentiel se démène dans les coulisses du Parlement pour essayer de désamorcer cette bombe à retardement.
Abandonné la semaine dernière par le pilier centriste de sa majorité, le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) du vice-président Michel Temer, il fait en particulier les yeux doux aux partis de second rang du «grand centre» de sa coalition, alléchés par les postes laissés vacants par le PMDB.
L’un d’eux, le Parti progressiste (51 députés), ne se cache pas de négocier son appui au prix fort: des ministères «de prestige» richement dotés, comme ceux de la Santé et de l’Education.
Méfiante, Dilma Rousseff a annoncé mardi qu’elle ne remanierait pas son gouvernement «avant le vote à la Chambre des députés», contrairement à ce qu’avait dit la semaine dernière son chef de cabinet Jaques Wagner.
Selon les médias brésiliens, la présidence craint des trahisons de dernière minute des partis de centre droit se disant prêts à la soutenir moyennant récompense. Les ministères après le vote, pas avant…
L’opposition, furieuse, dénonce des négociations «scandaleuses» de marchands de tapis.
Si la procédure allait à son terme, c’est le vice-président Michel Temer qui assumerait le pouvoir jusqu’aux prochaines élections, prévues pour 2018.
Cette perspective ne suscite pas un enthousiasme débridé au Brésil, même chez les plus farouches adversaires conservateurs de Mme Rousseff.
Ils y voient un pis-aller freinant leurs propres ambitions de pouvoir, tant le PMDB du vice-président est impliqué dans le scandale de corruption Petrobras au même titre que le PT de Mme Rousseff.
6 avril 2016 à 04:00 (mis à jour le 7 avril 2016 à 06:36)