La validation de la candidature d’Ali Bongo Ondimba a suscité l’agitation dans les rangs de l’opposition gabonaise. Le président de la Commission électorale préfère s’assurer de la bonne tenue du scrutin.
En publiant, le 13 juillet, la liste des candidats à la présidentielle du 27 août, le « Monsieur élections » du Gabon a osé l’impensable aux yeux de ses détracteurs. Pourquoi ? Parce que sur cette liste figure le nom d’Ali Bongo Ondimba, dont l’opposition exigeait la disqualification au motif que l’acte de naissance du président sortant est, selon eux, sujet à caution.
Foin d’ironie, les faits sont plus nuancés. René Aboghe Ella n’a rien décidé tout seul. Il a soumis la question au vote de l’assemblée plénière des membres de la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap), et la majorité d’entre eux a voté en faveur de la validation de la candidature du chef de l’État. Les opposants, eux, dénoncent un coup tordu.
Un personnage incontournable mais discret
En colère, six des candidats parmi les plus sérieux se sont réunis pour exiger dans un communiqué la démission du président de la Cenap. Ils l’accusent d’avoir « bafoué son obligation d’impartialité ». Alors que ce personnage clé du processus électoral pouvait à juste titre se considérer comme une vache sacrée républicaine, le voilà dans le collimateur d’une partie des candidats.
L’affaire est rude pour ce magistrat originaire de Bitam, diplômé de l’Institut de l’économie et des finances (IEF) de Libreville – il fut major de sa promotion – et de l’École nationale des impôts de Clermont-Ferrand, en France, qui a dirigé la Cour des comptes avant d’hériter de la direction de la Cenap en 2006, sous Bongo père. « Notre objectif est de renforcer notre capital confiance », confiait-il le 11 décembre dernier à Jeune Afrique, déjà bien conscient de l’enjeu (après la présidentielle, des élections législatives seront organisées en décembre), des attentes et des risques de contestation électorale.
« L’homme à abattre » est un parfait inconnu qui a une tête de premier de la classe. Il a beau être resté, à 57 ans, près de deux décennies au service de l’état, il continue de passer inaperçu dans la rue. La marche sportive est l’un de ses sports favoris, mais celui qui était déjà la cible de toutes sortes d’imprécations lors des précédents scrutins vit loin de l’agitation du marigot politique.
« En 2009, en dépit des tensions, je n’ai pas eu peur sur le moment. Les disputes politiques ne me concernant pas, je n’ai pas fait attention. C’est bien après que j’ai pris conscience que c’était sérieux », reconnaît-il.
Des critiques envers l’opposition
Après la transition tempétueuse de 2009, à la suite du décès d’Omar Bongo Ondimba (les résultats de l’élection présidentielle avaient été contestés par l’opposition, provoquant des émeutes à Port-Gentil), Aboghe Ella, au tempérament réservé, s’était fait encore plus discret. Mais dans son bureau, il n’hésite pas à critiquer la désinvolture de la classe politique, qui conduit, selon lui, à toutes sortes d’excès. D’autant qu’en 2009 les candidats indépendants et issus des partis de l’opposition avaient crié à la fraude alors que, par leur négligence, ils n’étaient pas représentés dans la moitié des bureaux de vote.
« À qui la faute lorsque les représentants des candidats ne se présentent pas le jour du vote ? On a vu, à Owendo, dans la banlieue de Libreville, que certains étaient représentés par des élèves à peine formés. Nous les invitons à nos sessions de formation, mais ils ne viennent pas », soupire-t‑il.
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Et de suggérer aux partis politiques de s’organiser pour veiller sur leurs intérêts, même si, cette année, le pays organise ses premières élections biométriques. Qui garantissent que chaque électeur ne sera inscrit qu’une seule fois. « La liste électorale est fiable » se félicite-t-il. Reste à espérer que le système de communication pour la transmission des résultats fonctionne.
Georges Dougueli