Programme électoral, union de l’opposition, ambiance de campagne… À quelques jours de l’élection présidentielle au Gabon, le 27 août prochain, les candidats qui affronteront Ali Bongo Ondimba expliquent leurs propositions à Jeune Afrique. Parmi eux, Dieudonné Minlama Mintogo, candidat indépendant.
À 48 ans, ce natif de Bitam est l’un des plus jeunes prétendants au Palais du bord de mer, désormais au nombre de 12 après les ralliements de Casimir Oyé Mba et Guy Nzouba-Ndama à la candidature de Jean Ping. Une union de l’opposition à laquelle ne croit guère Dieudonné Minlama Mintogo, agronome de formation. À dix jours de l’élection, le candidat du mouvement citoyen de la Convention nationale de l’interposition livre ses impressions et ses ambitions.
Jeune Afrique : Le Gabon va-t-il mieux en 2016 qu’en 2009 ?
Dieudonné Minlama Mintogo : Non. Le Gabon va mal, ce qui était déjà le cas en 2009. L’endettement s’est aggravé, et au niveau des réformes démocratiques, nous avons sérieusement reculé. Aujourd’hui, les clivages politiques sont très marqués entre l’opposition et le pouvoir : si en 2009 nous pouvions encore nous parler, aujourd’hui le dialogue est rompu. Cette situation de crise nous mène à l’incertitude car nous ne savons pas ce que va devenir le pays après l’élection.
Si vous êtes élu, quelle sera votre première mesure ?
La première serait de convoquer un dialogue national avec la participation de tous les Gabonais pour solder ce que j’appelle la face sombre du système Bongo. Un système caractérisé par l’impunité totale, responsable de la situation chaotique dans laquelle se trouve notre pays. Il est important de jeter les bases d’un nouveau contrat social sur lequel nous devons construire le nouveau Gabon.
Je ne voudrais pas que les Gabonais aient à choisir entre le mal et le pire
L’opposition vous semble-t-elle en ordre de bataille ?
Il y a beaucoup de tractations. En dehors de quelques candidats, dont je fais partie, il y a désormais deux camps politiques, majoritairement composés de personnes qui gèrent le pays depuis 40 ans et qui aujourd’hui ne s’entendent plus pour des raisons personnelles ou stratégiques. Nous nous retrouvons avec un PDG A et un PDG B, qui sont tous deux responsables de la situation de crise économique et sociale que connaît le Gabon.
Face à cette situation, ma candidature est celle de la rupture, du changement des mentalités et du rassemblement. Elle doit aller jusqu’au bout. Je ne voudrais pas que les Gabonais aient à choisir entre le mal et le pire.
Nous n’assistons pas à un débat d’idées mais à des querelles parfois purement personnelles
Comment qualifieriez-vous l’ambiance de cette campagne électorale ?
Je regrette que nous allions à cette élection dans les conditions actuelles. Les clivages sont énormes : j’ai entendu certains candidats dire que si Ali Bongo était élu, ils iraient en prison, comme j’ai entendu certains partisans du pouvoir dire que si un opposant était élu, ils quitteraient le pays.
Cela justifie mon engagement car je suis capable de travailler avec tous les Gabonais, de l’opposition comme du pouvoir. Mon seul soucis est de trouver des personnes compétentes. Or le problème est qu’aujourd’hui nous n’assistons pas à un débat d’idées mais à des querelles parfois purement personnelles.
C’est-à-dire ?
Je ne pense pas que certains anciens membres du PDG aient quitté le parti pour des questions idéologiques ou qu’ils aient eu des divergences sur la manière de gouverner. Certains ne s’y sentaient plus bien, avaient perdu des privilèges ou sentaient qu’ils pouvaient les perdre. Le combat politique a laissé place à une guerre d’intérêts entre des groupes politiques.
Cette campagne sera délétère : il y aura des règlements de comptes politiques entre ceux qui ont géré ce pays depuis 40 ans et qui se connaissent bien. Tout le monde assure avoir des dossiers sur les autres : il s’agit plus de détruire l’adversaire que de promouvoir des idées.
Je suis pour des élections à deux tours
Êtes-vous partisan d’une réforme électorale ?
Je suis partisan de grandes réformes. Il faut d’abord réformer la Cour constitutionnelle, qui joue un rôle important dans le jeu électoral. Ma proposition est simple : trois membres doivent être désignés par la magistrature, trois par des professionnels du droit, trois nommés par le président de la République dont un proposé par l’opposition, un par la majorité et un par la société civile. Il faudrait ensuite que ces choix soient validés par l’Assemblée nationale, de telle sorte qu’ils puissent assoir leur légitimité. Ces derniers devraient bénéficier d’un mandat unique de dix ans pour garantir leur indépendance.
Par ailleurs, je suis pour des élections à deux tours, car très peu de candidats arrivent à gagner avec plus de 50%.
Le Gabon est-il selon vous toujours trop dépendant du pétrole ?
Oui. Le Gabon a de grandes possibilités de se développer grâce à trois grands secteurs. D’abord, l’agriculture : nous avons un potentiel énorme en la matière. Nous dépensons entre 350 et 400 milliards de francs CFA par an pour que le Gabon puisse se procurer des denrées alimentaires hors du pays.
Il y a aussi le bois. Certaines mesures ont été prises pour interdire l’exportation de grumes, mais elles n’ont pas été accompagnées du développement d’une industrie locale. Il faut donc industrialiser : je propose de construire des infrastructures – écoles, dispensaires, hôpitaux – en bois pour booster cette industrie. Nous avons aussi 800 kilomètres de côte. Mais ici, le poisson se vend très cher car nous n’avons pas suffisamment développé la pêche. Nous continuons à acheter le poisson à la Mauritanie alors que nous avons la possibilité d’une autosuffisance, voire de pouvoir en exporter. Je crois en ces trois grands secteurs pour réduire la dépendance au pétrole.
En matière de diplomatie, quel partenaire souhaiteriez-vous privilégier, si vous accédiez au pouvoir ?
Il faut diversifier les partenariats. Nous avons des partenaires traditionnels comme la France, avec qui nous devons continuer à travailler.
Mais nous allons aussi travailler avec d’autres partenaires qui souhaitent investir au Gabon et apporter une technologie et des moyens financiers dont nous ne disposons pas. Je suis donc pour la mise en place de partenariats public-privé accentués et efficaces pour développer notre économie et la rendre plus compétitive. Je pense par exemple au groupe Olam, qui a investi au Gabon.
Claire Rainfroy