Dans l’attente de résultats fiables au lendemain du scrutin présidentiel, les partisans du chef de l’Etat sortant Ali Bongo Ondimba, et ceux de son challenger Jean Ping, se livrent une bagarre sans merci. Morceaux choisis.
C’était couru d’avance. A peine les bureaux de vote avaient-ils baissé le rideau hier samedi en fin de journée -fût-ce avec un retard dû à l’affluence d’électeurs gabonais patients et opiniâtres- qu’éclataient les premières escarmouches de la guérilla de l’info/intox. Guérilla menée avec tous les outils de la panoplie: communiqués, coups de fil, courriels, SMS, réseaux sociaux, « applis » plus ou moins sécurisées.
Axiome de base, d’un classicisme éprouvé: on-a-gagné-et-ceux-d’en-face-ont-triché. Dernier épisode en date, la conférence de presse improvisée par Jean Ping, le challenger du président sortant Ali Bongo, proclamant ce dimanche sa victoire, sans attendre des résultats officiels, annoncés pour mardi après-midi.
Ci-après, dans l’ordre chronologique, un « best of » -si l’on ose écrire- des messages reçus depuis la nuit dernière.
Samedi 27 août, 23H15
Alain-Claude Billie-By-Nze, le porte-parole du président sortant Ali Bongo Ondimba livre aux médias, convoqués avec une hâte suspecte, un message en deux temps. Un: « Nous avons constaté des fraudes massives, en particulier dans les zones où les représentants de l’opposition ont pu arriver les premiers dans les bureaux de vote ».
Deux: « Nous sommes en mesure d’affirmer que notre candidat remporte la victoire dans notre pays. Nous sommes donc déjà en route pour un second mandat. »
Dimanche 28 août, 0H13
Courrier électronique d’un Français expatrié en Afrique de l’Ouest, fin connaisseur des échiquiers politiques subsahariens : « D’après les premiers résultats, ça se présente mal pour Ali. Le vote des militaires serait-il pour lui la « solution » ? »
Dimanche 28 août, 0H55
Message par WhatsApp, émanant d’un haut-fonctionnaire familier du Palais du Bord de Mer, siège de la présidence. Sont détaillés des scores province par province, nettement favorables pour la plupart à Jean Ping. Pire, « Informé de ces chiffres, Ali Bongo [multiplierait] les réunions pour imposer son maintien à la tête de l’Etat. »
Dimanche 28 août, 1H30
Message d’un compte Twitter pro-Ping : « BillieByNze pris en flagrant délit de bidouillage. »
Dimanche 28 août, 5H54
Communiqué de presse de la cellule de communication de Jean Ping, reçu par mail. « A 2H20 du matin, après avoir compilé les résultats d’environ 40% des inscrits (…), il ressort que Jean Ping obtient plus de 68% des suffrages exprimés », contre « moins de 29% » pour son adversaire.
Dimanche 28 août, 10H23
Nouvel envoi via WhatsApp, avec un tableau actualisé de résultats provisoires, et ce codicille: « Ali devrait appeler Ping pour, d’une part le féliciter, d’autre part négocier sa sortie. Ping peut garantir sa sécurité. »
Dimanche 28 août, 12H08
Autre message électronique de notre source ouest-africaine: « Jean Ping aurait gagné avec 70%. Ali ne devrait pas reconnaître sa défaite, mais Ping aurait fait le boulot en amont et les diplomaties sont derrière lui, de même que de nombreux chefs d’Etat du continent. »
Dimanche 28 août, 12H46
Même source. « C’est la bataille de l’intox. Le porte-parole annonce une très nette avance d’Ali dans six des neuf provinces. »
Dimanche 28 août, 14H13
Communiqué du Ministère de l’Intérieur. Lequel souligne que les élections « se sont déroulées dans le calme et sans heurt majeur », et qu' »en dépit des fraudes constatées dans certains bureaux, le déroulé est satisfaisant et positif pour l’ensemble des observateurs comme pour les institutions ».
Suit cette utile précision: « Les résultats finaux sont en cours de récupération par la Cenap [la Commission électorale compétente] et il est prévu qu’une déclaration ait lieu le [mardi] 30 août à 17h. Le Ministère rappelle qu’il est illégal de proclamer des résultats avant l’annonce officielle. » Si le Ministère le rappelle…
Dimanche 28 août,15H36.
SMS de Marie Prouhet, conseillère en communication de Jean Ping pour la France: « JP s’est proclamé vainqueur! ».
Par Vincent Hugeux