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Présidentielle au Gabon: guerre des journaux à la veille des résultats

« Ali réélu », claironne un quotidien. « C’est Ping! », réplique un autre. Tandis que L’Union, le journal gouvernemental, godille entre sobriété et imprécations.

Si, comme le veut le vieil adage, la vérité sort de la bouche des enfants, elle ne surgit pas des kiosques à journaux. Du moins pas au Gabon, à en juger par la tonalité contradictoire des titres de Une, au surlendemain du scrutin présidentiel et à la veille de la proclamation des résultats officiels, programmée mardi en fin d’après-midi.

« Ali réélu », claironne ainsi le quotidien Douk-Douk, au-dessus d’une photo d’archives glamour du chef de l’Etat sortant Ali Bongo Ondimba, posant au côté de son épouse Sylvia. « C’est Ping ! », riposte L’Aube. D’où la perplexité de cette passante, citée ce matin par l’AFP: « Deux présidents pour un fauteuil, c’est quoi ça? »

Challenger du sortant, l’ancien patron de la Commission de l’Union africaine et ex-baron du système Bongo Jean Ping s’est proclamé vainqueur dès hier. « Je suis l’élu, a-t-il martelé sur un mode quasiment messianique. J’attends que le sortant m’appelle pour me féliciter. » Réplique de l’héritier du légendaire et défunt Omar Bongo : « Républicains et légalistes », nous attendons « sereinement » que la Cenap [la commission électorale] dévoile l’issue de l’empoignade. Sereinement? Pas si sûr. Car la Une du quotidien gouvernemental L’Union a de quoi laisser pantois. A droite, une titraille d’une exemplaire sobriété: « Verdict demain mardi ».

Attaques racistes

Mais à gauche, un billet d’humeur hargneux en diable, signé de Makaya, le légendaire et anonyme imprécateur maison. Haro sur « le Chinois », allusion aux origines du métis sino-gabonais Ping, fils d’un natif de l’Empire du Milieu, volontiers désigné sous le sobriquet peu flatteur de « chinetoque ». Sus au « Bridé d’Etimboué », référence à son département de naissance, dans la province de l’Ogooué-Maritime. L’intéressé, lit-on, « a été battu samedi par arrêt de l’arbitre, suite à un uppercut du gauche de notre Presida (Président) ». Recours insolite au lexique pugilistique. Quel arbitre détient donc le pouvoir d’interrompre le combat avant le gong? Et depuis quand, dans l’arène électorale, les poings prévalent-ils sur les points?

Le Gabon n’a nul besoin d’un triomphe par KO, et moins encore par chaos. A en croire Makaya, l’ancien ministre de Bongo Père, « xénophobe » quoique « marié à une étrangère », « fieffé menteur » et « manipulateur » est prêt à tout, y compris à « faire l’apologie du terrorisme ». Il n’aurait, à Paris, d’autres soutiens, arrosés « d’argent mafieux », que « le mercenaire-manipulateur Robet Bourgi » et « cette ordure de Pierre Puant ». Comprenez le journaliste et écrivain Pierre Péan, auteur d’un essai à charge contestant la filiation de Bongo Junior. Le chute du brûlot sonne comme une menace. « S’il se hasarde à vouloir gaspiller [semer le trouble], qu’il sache qu’il trouvera en face des hommes ayant subi l’épreuve de la circoncision et initiés au mouiri-mangongo. » En clair, passés par le rituel initiatique mwiri, ou mouiri, connu pour sa rudesse.

Comment s’étonner, dans un tel climat, que les citoyens gabonais hésitent entre impatience et anxiété? Nombre d’entre eux redoutent, a minima, la réédition de l’embrasement post-électoral de 2009, lorsque André Mba Obame, ex-intime et rival d’Ali, décédé depuis lors, avait dénoncé les fraudes fatales à son rêve présidentiel. Bastion pétrolier du pays et cité rebelle, Port-Gentil avait alors été le théâtre d’émeutes meurtrières.

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