Le Gabon retient son souffle. Ce petit pays pétrolier d’Afrique centrale, qui est une ancienne colonie française, devrait connaître son nouveau président mardi soir. Les résultats de l’élection de samedi ne sont pas encore annoncés, mais ils sont déjà contestés : le chef de l’Etat et fils de l’homme qui a dirigé le pays pendant plus de trente ans, Ali Bongo, clame sa victoire. Face à lui, l’opposant Jean Ping dénonce de supposées fraudes et affirme être en tête. Les Gabonais, fortement touchés par la crise du pétrole, craignent des violences.
Ali Bongo ou Jean Ping, la continuité ou l’alternance ? Telle est la question à laquelle va répondre le ministre de l’Intérieur du Gabon, qui doit annoncer le résultat de l’élection présidentielle mardi dans la soirée. Ex-baron du régime du président Omar Bongo, opposant tardif après l’élection de son fils Ali, Jean Ping, 73 ans, prétend renverser la famille au pouvoir depuis 1967 dans une région, l’Afrique centrale, où l’alternance politique est exceptionnelle.
Depuis la fermeture des bureaux de vote samedi, les Gabonais attendent de savoir lequel des deux favoris va l’emporter. Dans la soirée, le porte-parole du président a affirmé qu’Ali Bongo était « en tête avec une avance qui ne peut plus s’inverser ». Le lendemain, c’est Jean Ping lui-même qui a annoncé être élu. Depuis, les deux camps s’affrontent à coups de grandes déclarations. « Nous maintiendrons l’ordre », affirme le pouvoir, « nous ne nous laisserons pas voler notre victoire », répètent les pro-Ping. L’ambiance est délétère, à l’image de la campagne virulente qui a précédé les élections, et les risques de troubles urbains sont réels dès l’annonce des résultats.
La famille Bongo ne veut pas passer la main
L’avenir de la dynastie Bongo est en suspens. Ali Bongo a été élu président à la mort de son père en 2009. Ce dernier a régné sans conteste sur le pays, une ancienne colonie française, depuis 1967. Il était surnommé « l’émir de Libreville ». Omar Bongo, soutenu dans son accession au pouvoir par Charles de Gaulle, a continué à entretenir des liens politico-financiers avec l’ancienne puissance coloniale, faisant de son pays l’un des symboles de la Françafrique. Le terme d' »émir » fait référence aux richesses naturelles du pays, qui est le plus petit producteur de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep).
La chute des cours de l’or noir, première ressource du pays, a frappé de plein fouet le Gabon. Le ralentissement de l’activité des compagnies – Total, Shell, Maurel&Prom, Perenco, … – avec ses conséquences sur les sociétés de service – Schlumberger, Halliburton, … – a mis KO toute l’économie de la capitale économique du pays, Port-Gentil. L’élection s’inscrit donc dans un contexte social tendu qui inquiète les habitants. En 2009, la victoire d’Ali Bongo avait été contestée par l’opposition, entraînant une flambée de violences meurtrières, notamment dans cette ville où le consulat de France avait été incendié.
L’opposition réunie derrière Ping
Jean Ping promet quant à lui « la première alternance et la deuxième indépendance du Gabon ». En l’absence de sondages, Ali Bongo a longtemps fait figure de favori face à Jean Ping. Le rapport de force s’est rééquilibré avec l’alliance mi-août des principaux candidats d’opposition autour de Jean Ping. Persuadés de la victoire de Jean Ping, ses partisans préviennent qu’ils n’accepteront pas d’autre verdict : « Les esprits sont déjà surchauffés. Tous ces jeunes ne se laisseront pas faire », prévient un proche de Ping.
Le jour de vote, sans incident majeur, a été une parenthèse civique entre une campagne délétère et des accusations de fraudes. La gestion du processus électoral au Gabon a pourtant « manqué de transparence », a déclaré la chef de la mission des soixante-treize observateurs de l’Union européenne lundi à Libreville, à la veille de la proclamation des résultats officiels de la présidentielle à un tour. « Les insuffisances les plus importantes observées sont: l’absence de listes électorales affichées devant les bureaux de vote, des défaillances au niveau du contrôle de l’encre indélébile (sur le doigt des électeurs pour prouver qu’ils ont voté, ndlr), l’authentification des bulletins de vote et l’usage de scellés des urnes dépourvus de numéros d’identification », a déclaré l’euro-députée bulgare Mariya Gabriel.
ARTE Info avec AFP –