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Gabon : Ali Bongo déclaré vainqueur, le pays redoute l’embrasement

Jean Ping, le rival du chef de l’État sortant, conteste vivement sa courte défaite. Après ce résultat, le Gabon craint de sombrer dans la violence.

L’attente a pris fin au Gabon. Sans surprise, la Commission électorale nationale (Cénap) a annoncé, mercredi en fin d’après-midi, la victoire du président sortant Ali Bongo. Une victoire étroite, avec 49,80 % contre 48,23 % pour son rival Jean Ping. Sans surprise non plus, les partisans de Jean Ping ont immédiatement contesté ces chiffres, dénoncé une fraude et proclamé leur triomphe. Signe des tensions, le vice-président de la Cénap et représentant de l’opposition dans cet organisme paritaire a démissionné, affirmant que l’élection avait été «volée».

«Il n’y a plus qu’à prier pour le Gabon. Nous sommes sortis de la politique pour entrer dans autre chose. Maintenant, il faut craindre des pertes en vies humaines», assure «navré» Jean-Gaspard Ntoutoume, le porte-parole de Jean Ping. «Nous sommes satisfaits. Tout est fait dans les règles. Le reste, c’est une polémique artificielle montée par l’opposition qui sait qu’elle a perdu et qui a tenté de manipuler le résultat», souligne de son côté Alain Claude Bilie By Nzé, le porte-parole d’Ali Bongo.

«Il n’y a plus qu’à prier pour le Gabon. Nous sommes sortis de la politique pour entrer dans autre chose. Maintenant, il faut craindre des pertes en vies humaines»
Jean-Gaspard Ntoutoume, porte-parole de Jean Ping

Mais mercredi au Gabon, les mots des uns et des autres ne semblent plus peser bien lourd. La crainte de voir des violences éclater à Libreville, la capitale, ou à Port-Gentil, bastions de l’opposition, s’aiguise. Depuis des jours, les deux camps revendiquaient la victoire, se répondant hargneusement et usant de toutes les intoxications pour étayer leurs propos accentuant la montée en pression de la rue qui n’en avait pas besoin. La campagne électorale, émaillée de coups bas, avait déjà tendu l’ambiance dans ce pays. L’appel à la prudence lancé par Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, n’a pas servi à grand-chose. Nul ne semble prêt à reconnaître une défaite.

Dès dimanche, Jean Ping avait revendiqué la victoire et demandé à ses partisans de «la défendre par tous les moyens» pour «protéger la démocratie». Le gouvernement avait répliqué en affirmant qu’il ne «tolérerait pas le désordre». Entre cet appel à l’émeute tout juste voilé et les promesses de répression, la peur est montée.

La petitesse de la victoire – à peine à plus de 5500 voix d’avance sur quelque 627.000 électeurs inscrits -, source immense de contestation, de frustrations et de fureur a envenimé la situation. «C’est le plus mauvais des scénarios. Aucune élection n’est parfaite ; nulle part. Il est évident qu’avec des résultats aussi serrés, chacun pourra contester sans mal le résultat et avec raison. Nous sommes dans une phase très dangereuse», se lamente un diplomate européen qui redoute aussi des violences.

Mercredi, les autorités gabonaises ont déployé un important dispositif de sécurité à Libreville.

Mercredi soir, tout en se disant «serein» pour les jours à venir, le gouvernement a déployé un impressionnant dispositif dans tout Libreville. La police, la gendarmerie et des parachutistes, appuyés par des petits blindés et des canons à eau, quadrillent la ville. Un début de manifestation, partie du QG de Jean Ping dans le quartier de Charbonnage, a été rapidement réprimé en fin d’après-midi à coups de gaz lacrymogène. Dans les hauts de la ville, les quartiers populaires, de petites barricades se mettent en place. C’est dans ces lieux déshérités où les oubliés du système Bongo se concentrent que la colère est la plus vive. Ils n’ont rien glané des 42 ans de règne d’Omar Bongo, puis du premier septennat de son fils, Ali. En 2009, lors de la première victoire d’Ali, les violences avaient été extrêmes dans ces ruelles sales, comme à Port-Gentil. «Les heures qui viennent vont être capitales», analysait mercredi le diplomate.

Conscient du ras-le-bol symbolisé par un score plus faible que prévu, l’entourage du président tente d’apaiser les choses et fait des gestes d’ouverture. «Il faut féliciter Jean Ping pour sa campagne. Son résultat est bon et il faudra en tenir compte», glissait ainsi Claude Bilie By Nzé.

Appels à la transparence

Pas sûr que cela suffise à convaincre l’opposition de baisser pavillon. La colère se concentre sur la province du Haut-Ogooué, fief d’Ali Bongo, qui a officiellement voté à 95 % pour lui avec plus de 99 % de participation quand ailleurs elle ne dépasse pas 60 %. «C’est ridicule. Ces chiffres sont tombés en dernier pour permettre à M. Ali de combler son retard. C’est de là que se tient la fraude», accuse René Ndemezo Obiang, le directeur de campagne de Jean Ping. Il exige donc la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote. Une demande soutenue par l’Union européenne au nom de la transparence mais refusée par le camp présidentiel. «L’UE n’a pas à imposer ses lois au Gabon», s’agace Arnaud Engandji, conseiller spécial d’Ali Bongo. La France, ancienne puissance coloniale et dont la voix reste écoutée au Gabon, a pour sa part réclamé de la «transparence et de l’impartialité» dans la publication des résultats.

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