Ali Bongo, ou Jean Ping ? Le Gabon attend que la Commission électorale (Cenap) délivre officiellement, au ministre de l’Intérieur, les résultats de la présidentielle à tour unique de samedi dernier. Attendus la veille, les travaux de la Cenap n’ont commencé que ce mercredi 31 août. L’UE demande que les résultats soient publiés « bureau de vote par bureau de vote ».
Toujours pas de résultat officiel après la présidentielle de samedi dernier au Gabon. Le verdict était attendu mardi en fin de journée, mais la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) n’a engagé ses travaux que ce mercredi matin, en plénière, avec plus de 12 heures de retard. Paul Marie Gondjout, vice-président de la Cenap, représentant de l’opposition, a annoncé sa démission. Il refuse de voter les résultats finaux de l’élection présidentielle proposés par la Cenap, dénonçant des fraudes.
Le futur du processus électoral gabonais est donc maintenant entre les mains d’une trentaine de personnes réunies au sein de cette commission paritaire : des représentants des candidats indépendants, de la majorité, de l’opposition et de huit ministères techniques liés à l’élection. A savoir la Justice, l’Intérieur… Les Affaires étrangères aussi, pour le vote de la diaspora.
La plénière avait été retardée plusieurs fois. Elle devait commencer mardi à 19 h, puis plus tard dans la soirée. Finalement, l’attente a duré toute la nuit. Le président de la Cenap, René Aboghé Ella, explique que les résultats de la province du Haut-Ogooué sont arrivés tard dans la nuit.
Il précise qu’il avait les résultats communiqués par téléphone sous la main, mais que le bureau de la Commission, l’organe suprême de la Cenap, s’est réuni à deux reprises dans la nuit, deux heures presque à chaque fois, pour finalement décider d’attendre l’arrivée des procès-verbaux physiques expédiés depuis Franceville par avion.
Les débats sont ouverts, mais ils peuvent être longs et intenses, explique encore le président de la Cenap, qui cite le cas de la présidentielle de 2009, où la plénière avait duré plus de dix heures. Selon lui, si les membres de la Commission se mettent d’accord sur la procédure, la publication pourrait intervenir plus tôt.
Mais encore faut-il qu’ils s’entendent. Selon un participant, en effet, une partie des commissaires demande une publication des résultats et un recomptage bureau par bureau pour éviter tout risque de fraude. « Cette demande va contre la loi », estime le pouvoir. La loi prévoit un décompte final province par province, explique-t-on.
Sarah Crozier, la porte-parole de la mission des observateurs de l’Union européenne (UE), explique l’intérêt d’avoir des résultats bureau de vote par bureau de vote
« L’Union européenne réitère l’appel fait par l’observatrice en chef de la mission d’observation électorale de l’UE à publier les résultats par bureau de vote », a pour sa part indiqué ce mercredi la porte-parole de Federica Mogherini, chef de la diplomatie européenne, dans une déclaration reçue par le bureau de l’Agence France-Presse à Libreville.
Pour le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Romain Nadal, « il convient d’assurer transparence et impartialité dans la publication des résultats, qui se fait attendre. C’est ainsi qu’il sera possible d’en assurer la crédibilité », a-t-il déclaré.
« De même, les éventuelles contestations qui suivront devront emprunter les voies de recours ouvertes par la loi. Seul l’Etat de droit permettra de garantir le respect de la volonté populaire », ajoute le porte-parole de la diplomatie française.
Cette situation floue, incertaine, ne contribue pas à apaiser un climat plutôt lourd et pesant à Libreville. Tout au long de la journée de mardi, le dispositif sécuritaire n’a fait que se renforcer dans la capitale, une ville déserte aux échoppes fermées.
Les effectifs des militaires, policiers et gendarmes n’ont cessé d’augmenter en divers points stratégiques (stations-services, banques, commerces…), tout comme le nombre de véhicules anti-émeute. En soirée, le déploiement était impressionnant.
Ce mercredi, ambiance différente : cela circule, plusieurs commerces ont ouvert, les forces de sécurité sont moins nombreuses, plus détendues. On voit les agents dormir, discuter entre eux, plaisanter.
Au quartier général de Jean Ping, des militants sont là, après une fête la veille au soir. Certains ont attendu toute la nuit les résultats et ont même dormi sur place. Du côté des partisans d’Ali Bongo, l’ambiance est plus discrète. Le camp présidentiel avait demandé à ses partisans d’attendre les résultats dans le calme et la sérénité.