« Le changement c’est moi » : Ali Bongo Ondimba, déclaré réélu mercredi président du Gabon dans la contestation, tente de cultiver le paradoxe d’un leader moderne malgré son statut de président sortant, qui plus est fils du précédent chef de l’Etat Omar Bongo, au pouvoir pendant 41 ans.
« Ali » : décliné à l’infini sur des milliers d’affiches électorales pendant une campagne menée à grands frais, le message est clair. Bongo fils, 57 ans, veut inscrire son prénom dans les livres d’histoire du petit pays francophone d’Afrique centrale riche de ses forêts, mines et pétrole.
Héritage et bilan politique
Pour ses opposants, Bongo fils perpétue une dynastie mise en place par son père en 1967 à la mort du premier président, Léon Mba.
« Ali doit partir », « Nous ne sommes pas un royaume », ont immédiatement crié les opposants en descendant dans la rue mercredi après l’annonce de sa victoire.
Démarche décontractée, taille moyenne, épaules carrées, « Ali » s’amuse des éternelles questions sur son père : « Lorsque je le cite, la réaction, ça va être de dire : « Papa m’a dit ». Lorsque je ne le cite pas, votre réaction est de dire : « Est-ce que c’est la rupture ? » ».
« Il est constamment avec moi, c’est une inspiration », confiait-il à l’AFP début août.
Diversification de l’économie, mise en concurrence de la France avec des investisseurs asiatiques, programme d’investissements « sans précédent » dans les infrastructures… : en sept ans, le fils a dû adapter l’héritage du père aux rigueurs de l’époque, à commencer par la chute du prix du baril.
Héritage tout court
Et puis il y a son héritage tout court. Ali Bongo affirme avoir légué « au peuple gabonais » des propriétés familiales en France soupçonnées d’avoir été « mal acquises » par des détournements de fonds publics.
Du père il garde tout de même quelques signes ostentatoires du pouvoir, comme une rutilante Rolls Royce, ainsi qu’un solide ancrage dans la province du Haut-Ogooué.
Ce fief de l’ethnie Béké, chef-lieux : Franceville et… Bongoville, aurait voté à 95,46 % des voix pour « Ali », lui garantissant la victoire face à Jean Ping, selon les résultats contestés par les opposants.
Nigérian ou Gabonais ? L’éternelle question
Malgré, ou à cause de son nom, Ali Bongo est sans doute le seul chef d’Etat au monde qui doit répondre à des questions de journalistes sur son état-civil, son identité, son origine. « Je suis né le 9 février 1959 à Brazzaville, mon père s’appelle Omar Bongo Ondimba et ma mère Patience Dabany », a-t-il lancé en meeting.
Il s’agit de balayer la polémique lancée par l’écrivain français Pierre Péan, et reprise par l’opposition gabonaise, selon laquelle il est un enfant du Nigeria adopté par son père et qu’il ne peut à ce titre diriger le Gabon.
De fait, Ali est officiellement né sous le nom d’Alain à Brazzaville, alors capitale de l’Afrique équatoriale française, où son père faisait son service militaire un an avant l’indépendance du Gabon. Il prend le prénom d’Ali en se convertissant à l’islam, comme son père, à l’époque où le Gabon entre dans le club des pays pétroliers.
Années disco
C’est encore sous le nom d’Alain Bongo qu’il tente une carrière musicale avec un album, « A Brand New Man » (1977), produit par l’ex-manageur de James Brown, Charles Bobbit. De ses années soul et disco, le président garde un goût pour le jazz, la bossa-nova, le classique…
Après des études de droit en France, le fils d’Omar Bongo devient en août 1989, à 30 ans, ministre des Affaires étrangères pendant deux ans, quand une nouvelle Constitution relève à 35 ans la limite d’âge ministériel.
Revenu en 1999 avec le portefeuille stratégique de la Défense, il occupera cette fonction durant dix ans.
Une place gagnée malgré un nom handicapant
A la mort de son père en juin 2009, Ali Bongo se targue d’avoir obtenu l’investiture du Parti démocratique du Gabon (PDG) pour briguer la succession de son père. « J’ai gagné ma place, elle ne m’est pas tombée comme ça. Au contraire, mon nom était un handicap ».
Jeans, chemise, casquette sur la tête, « ABO » s’est attaché à donner pendant la campagne une image de proximité sans commune mesure avec les lourdeurs du protocole encore en vigueur au palais du bord de mer.
Entouré d’une armée de jeunes conseillers et de professionnels de la publicité, le président a sorti la carte de la modernité pour « ringardiser » ses principaux adversaires, dont Jean Ping, d’anciens cadres septuagénaires du régime de son père. « Ils sont des hommes du passé et du passif ».
C. A. avec AFP