« En Afrique, le pouvoir se prend et ne se rend pas », disait Omar Bongo. Le président du Gabon de 1967 à 2009 semble avoir bien enseigné la maxime à son fils, Ali. Ce dernier lui a succédé à sa mort, et ne semble pas prêt de céder son trône à son opposant, Jean Ping, 73 ans, qui revendique la victoire de l’élection présidentielle. Depuis mercredi et la proclamation des résultats — très contestés — qui ont donné une courte victoire à Bongo, le pays s’enlise dans la crise (cinq morts civils depuis mercredi). Jean Ping, que nous avons pu joindre hier soir au téléphone à Libreville, en appelle à François Hollande…
Le pouvoir gabonais a libéré hier les leadeurs de l’opposition qu’il gardait. Etes-vous soulagé ?
JEAN PING. Leur libération était un préalable. Mais nos collègues ont été détenus pendant vingt-quatre heures sans être jugés !
Etes-vous encore menacé ?
Ma vie est en danger depuis deux ans. Je suis menacé d’être tué, emprisonné, ruiné. On a caillassé ma maison. Je m’attends tous les jours à ce que quelque chose se passe…
Comment faire pour sortir de la crise politique ?
Nous exigeons que la vérité des urnes soit reconnue. Pour cela, il faut que l’on procède au recomptage des voix, bureau par bureau. sous la supervision d’observateurs internationaux ( NDLR : ce que le pouvoir gabonais refuse ). Eux seuls peuvent garantir la transparence de ce vote.
Pourquoi pensez-vous que le scrutin a été entaché de fraudes ?
Il y a eu beaucoup de formes de tricheries. Dans la province du Haut-Ogooué ( NDLR : fief de la famille Bongo), le taux de participation a été de 99,93 % alors que la moyenne nationale n’est que de 53 % ! C’est une aberration. Ali Bongo ne peut pas continuer comme ça. C’est impossible, après cinquante ans du même système, des mêmes méthodes, des mêmes tricheries.
«On a le sentiment qu’il y a non assistance à peuple en danger»
JEAN PING
Quelle attitude attendez-vous de la France ?
La même chose que nous attendons des Américains, des Européens et de tous les pays. Nous voulons le respect des droits de l’homme.
Avez-vous le sentiment que la France s’est mise en retrait depuis le début de cette crise ?
Oui. Cela fait longtemps que le peuple gabonais crie au secours. On a le sentiment qu’il y a non assistance à peuple en danger, de la part de la France, notre premier partenaire, mais aussi de toute la communauté internationale. J’aimerais demander à François Hollande qu’il exerce toutes les pressions nécessaires pour que la vérité des urnes soit reconnue et que ceux qui violent la démocratie soient mis hors d’état de nuire.