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MONDOVISION. Crise au Gabon : il est temps de tourner la page de la Françafrique

La France est largement sortie de l’histoire de l’Afrique. Elle s’en est détournée quand les autres puissances s’y sont intéressées, Chine, Etats-Unis, Inde, et même Japon.

Dans la surenchère de petites phrases de cette période préélectorale, le premier prix revient pour l’instant à François Fillon, candidat à la primaire des Républicains (LR), qui a déclaré que la colonisation, pour la France, visait à « partager sa culture ».

Outre le fait que l’ancien Premier ministre a été raillé par de nombreux Africains sur les réseaux sociaux, sa déclaration coïncidait malheureusement avec les événements du Gabon, où la réélection d’Ali Bongo, dans des conditions qui laissent peu de doutes sur la fraude, a provoqué émeutes, répression et victimes, laissant planer le risque d’affrontements durables.

Or tout ce qui touche le Gabon concerne aussi la France, avec laquelle ce pays d’Afrique centrale entretient des relations incestueuses qui pèsent lourd dans la crise actuelle : on est loin, dans cette longue histoire, du « partage de cultures » ; plus près du monde des barbouzes, de la corruption, de la mauvaise gouvernance.

Vers les caisses électorales

Lorsque François Fillon était à Matignon, en 2009, la France avait très vite salué l’élection d’Ali Bongo à la tête du Gabon pour succéder à son père, Omar Bongo, décédé quelques mois plus tôt. Cette précipitation avait provoqué des émeutes antifrançaises, l’opposition contestant déjà le fait que, comme l’a déclaré candidement Manuel Valls, en janvier dernier, à la télévision, Ali Bongo n’avait pas été élu « comme on l’entend »… Sept ans après, situation inversée, la France est accusée d’ »ingérence » parce qu’elle réclame la transparence dans les résultats d’un vote contesté.

France-Gabon : 56 ans de relations incestueuses

Ces réactions signent l’échec des gouvernements successifs à passer du néocolonialisme le plus cru mis en place dans les premières années des indépendances par Jacques Foccart, le Monsieur Afrique de l’ombre du général de Gaulle, à des relations plus égalitaires, plus respectueuses. Sous Foccart, le Gabon était le centre de gravité de ce qu’on a appelé plus tard la Françafrique, un réseau de pouvoir et d’argent à la fois destiné à conserver et étendre à tout prix l’influence française sur le continent, y compris au prix d’opérations de déstabilisation, mais aussi à alimenter les caisses électorales et quelques poches en France même.

La Françafrique, mode d’emploi

François Mitterrand, en 1981, aurait pu y mettre fin, mais y a renoncé, conservant le type de relations paternalistes et affairistes héritées du gaullisme. Il faut dire qu’Omar Bongo, prévoyant, avait financé en 1980 les campagnes de Valéry Giscard d’Estaing, de Jacques Chirac (son favori) et de… François Mitterrand !

Chimères néocoloniales

La France a ainsi conservé son « pré carré » captif jusqu’aux années 1990, une rente de situation économique et stratégique, pour s’en détourner lorsque la chute du mur de Berlin, en 1989, a sollicité son attention en Europe. La France n’a pas vu l’Afrique changer, de nouvelles générations émerger, l’urbanisation progresser, jusqu’au désastre du discours de Nicolas Sarkozy à Dakar, en 2007, allant dire aux Africains qu’ils n’étaient « pas assez entré[s] dans l’histoire »…

François Hollande a fait un retour remarqué avec l’intervention au Mali en 2013, et des relations ambiguës avec quelques régimes despotiques ; c’est insuffisant pour inverser la tendance.

Après la « Françafrique », « l’Africa-France » de François Hollande

De fait, c’est la France qui est largement sortie de l’histoire de l’Afrique. Elle s’en est détournée quand les autres puissances s’y sont intéressées : Chine, Etats-Unis, Inde… Même le Japon vient d’annoncer un plan de 27 milliards d’euros pour renforcer sa présence. Peut-être est-il temps pour la France d’abandonner ses chimères néocoloniales et de prendre l’Afrique pour ce qu’elle est : un continent majeur qui tente de décoller au XXIe siècle.

Pierre Haski
journaliste

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