Le Gabon tout entier attend la décision de la Cour constitutionnelle qui doit trancher le contentieux électoral avant vendredi prochain. Avec Port-Gentil, Oyen, Bitam et bien sûr Libreville, Lambaréné a connu deux nuits d’émeutes d’une violence inédite à l’annonce des résultats provisoires le 31 août dernier. Depuis, la ville, située à 250 kilomètres au sud-est de la capitale, tourne au ralenti.
Entre les plateaux du Haut-Ogooué et l’océan à Port-Gentil, il y a Lambaréné. Au débarcadère du pont, les bateaux et les grandes pirogues partent remplis de vivres. Mais depuis les émeutes du 31 aout, l’activité ne tourne plus comme avant, comme en témoigne Nenhey, un agent commercial d’une vedette de transports de passagers. « Auparavant c’était un bateau de 170 personnes qui partait toujours plein. Mais depuis un moment, il n’y a plus qu’une quarantaine de clients, voire moins », regrette-t-il.
En face, dans le débarcadère Isaac, où une centaine d’étals sont remplis de poisson frais, fumé ou salé, le constat est similaire. « C’est vrai que l’activité recule. D’habitude, le marché fermait à 23h. Mais maintenant il ferme à 18 – 19h. Il n’y a pas de clients, le poisson traine sur les tables… », affirme Ismael Mihindou, président des commerçants.
Pour Jean-Clément, un opérateur économique, ce marasme est lié à la crise postélectorale : « L’économie n’aime pas l’instabilité. C’est pour cette raison que c’est timide. Il y a un blocage de l’activité économique. Les gens ne peuvent pas circuler, tout le monde a peur et se demande ce qu’il va arriver. Les gens sont obligés de rester chez eux, la situation du pays est bloquée ».
■ Difficultés au Centre de recherches médicales de Lambaréné
Dans le pays, les réseaux sociaux restent coupés ainsi que les SMS, internet ne fonctionne que jusqu’à 18 heures le soir. Les Gabonais sont nombreux à s’en plaindre, comme c’est le cas au Centre de recherches médicales de Lambaréné où une quarantaine de chercheurs travaillent notamment sur le développement de vaccins contre le paludisme et Ebola.
A l’hôpital Albert Schweitzer ne pas avoir accès à internet le soir, cause de sérieux problèmes, comme l’explique ce chercheur : « Les chercheurs n’ont pas d’heure limite. Dans la journée, on est souvent dans le suivi des étudiants, on n’a pas le temps. C’est le soir qu’on est beaucoup sur internet. Il y a parfois même des téléconférences qui peuvent se passer après 18 heures, heure locale ici, surtout avec les partenaires américains qui nous envoient des mails à partir de 16 heures-18 heures, 23 heures même souvent. Donc nous ne répondons que le lendemain matin et nous sommes en déphasage complet avec eux ».
Autre souci, l’interruption du service SMS avec des conséquences directes sur le laboratoire : « Nos congélateurs ne doivent pas tomber en panne. Nous avons donc des systèmes de sauvegarde où nous recevons des avertissements par SMS et par e-mail, en cas de panne de congélateur. Dans la situation actuelle, si une panne se produit la nuit, nous ne pourrons pas recevoir ces avertissements et quand nous arrivons le lendemain matin, nos échantillons sont perdus. Et ça réduit à néant beaucoup d’heures de travail et ça peut même sérieusement affecter les études en cours ici dans notre centre de recherche ».
Et le scientifique de conclure : « La situation est comme celle-là, on fait avec ».