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Point de vue. Lourde atmosphère de fin de règne au Gabon

Quelques semaines après la présidentielle contestée, la situation politique au Gabon fait bégayer l’histoire postélectorale de l’Afrique. Certes, avec des nuances, qui font de ce petit pays pétrolier d’Afrique centrale une véritable pétaudière. Mais s’y mêlent, encore une fois, drame, histoire de famille, alliances d’intérêt, soif inassouvie du pouvoir… Ce qui assombrit l’horizon immédiat du pays.

À la source de cet imbroglio s’opposent deux individus jadis unis par alliance : Ali Bongo, dont la réélection est contestée, et Jean Ping, ancien cacique du régime et ex-compagnon de Pascaline, demi-soeur du premier. Les deux hommes se vouent, paradoxalement, une haine tenace et se battent sans concession pour le pouvoir.

Derrière eux se forment deux camps adverses animés de la même malveillance : l’opposition portée par Ping et renflouée par des transfuges (pour la plupart des proches de la famille Bongo) et le Parti démocratique gabonais (PDG) au pouvoir, vidé de ses ténors. Parmi eux : le général Ngiri, propre cousin du chef de l’État. Le tout sans oublier la place qu’occupe, en Afrique, le tropisme ethnique.

Un des éléments évoqués ci-dessus n’est pas classique dans la situation qui gangrène le continent. Il s’agit de voir les membres d’une famille s’engager, à ciel ouvert, dans une bataille homérique pour le pouvoir. À l’exception, en 1979, de la Centrafrique et de la Guinée Équatoriale. Bokassa, pour le premier pays, et Nguema, pour le second, furent chassés du pouvoir par leurs neveux respectifs. Loin de l’implication du grand public, ce qui a permis d’éviter la formation des partisans et des camps, prêts à en découdre.

« Les mêmes contre les mêmes »

En Côte d’Ivoire, où la situation fut des plus tragiques (plusieurs milliers de morts après le duel présidentiel Gbagbo-Ouattara), le combat n’avait pas mis face à face des membres d’une famille. Au contraire, il avait inclus des dimensions régionales, avec un brin de tonalité religieuse : le Nord à dominante musulmane contre le Sud majoritairement chrétien.

Rien de tel, au Gabon. Le bras de fer engagé actuellement entre Ali Bongo et Jean Ping relève d’un drame familial à large spectre. C’est l’histoire d’un groupe, en désintégration, contre un autre groupe, tous portés par un arrivisme insatiable. Autrement dit, c’est une espèce de guerre « des mêmes contre les mêmes », car ils sont tous issus de la même matrice, forgée par la main de feu président Omar Bongo. Mais, avec, aujourd’hui, deux leaders connotés : Ali Bongo, qualifié de « fils illégitime », et Jean Ping, de « Chinois », car issu d’un père chinois. Ils sont tous perdants.

Ainsi, quel que soit le verdict de la Cour constitutionnelle, devant laquelle les deux belligérants ont déposé des recours contestant la régularité du vote, la « question gabonaise » restera d’actualité. Demain plus qu’aujourd’hui.

Aujourd’hui, parce qu’étant aux ordres, les Cours constitutionnelles africaines ne disent pas le droit, mais « lisent la volonté du pouvoir » en place. Quelle serait l’issue de l’affaire en cours ? Du désordre en perspective, si l’un ou l’autre camp perdait ! Demain, alors que de nouvelles ambitions auront certainement vu le jour, la lutte pour le pouvoir sera peut-être plus âpre encore. Sans les Bongo.

Oui, sans les Bongo. Car l’atmosphère est, déjà, celle de fin de règne. Et, d’ici là, il n’y aura plus de régimes dynastiques, en Afrique. Les Kabila, en RD Congo, et les Eyadema, au Togo, au pouvoir, seront déjà passés.

(1) Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France

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