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Gabon: un pays à bout de nerfs suspendu au verdict de la Cour constitutionnelle

Libreville – Magasins pris d’assaut, force de sécurité déployées, « couvre-feu numérique » toujours en vigueur, le Gabon à bout de nerfs attend le verdict de la Cour constitutionnelle vendredi ou samedi pour tenter de sortir d’une crise post-électorale sans précédent entre Ali Bongo Ondimba et Jean Ping.

Le droit pourra-t-il empêcher une nouvelle éruption de violence ‘ Cette question est loin d’être théorique dans un petit pays (1,8 million d’habitants) traumatisé par les morts, les manifestations, les émeutes, les pillages, les assauts policiers et les arrestations par centaines qui ont suivi la proclamation de la victoire d’Ali Bongo le 31 août.

Une audience publique était prévue en fin d’après-midi à la Cour en présence des avocats de MM. Bongo et Ping.

Il s’agit de la première audience publique depuis que M. Ping, 73 ans et « président élu » autoproclamé, a déposé un recours le 8 septembre contre la réélection du président sortant Ali Bongo, 57 ans.

Rapporteurs, audition des requérants puis de la défense: cette audience permettra d’en savoir plus sur la demande principale de Jean Ping, à savoir recompter les voix dans la province du Haut-Ogooué.

Dans ce fief familial de la famille Bongo, le président sortant a officiellement obtenu 95% des voix pour 99% de participation, lui garantissant à l’échelle du pays une avance de quelque 5.000 voix sur Jean Ping, sur un peu plus de 325.000 électeurs.

M. Ping, ex-enfant chéri du régime de l’ex-président Omar Bongo, estime que ces chiffres ont été gonflés par la fraude et qu’il est de fait le nouveau président.

Les travaux de la justice ne se déroulent pas en toute sérénité. L’équipe de Jean Ping a accusé jeudi la Cour et sa présidente, Marie-Madeleine Mborantsuo, de se rendre déjà coupable d’un « déni de justice », en citant son entretien à l’hebdomadaire Jeune Afrique le 15 septembre.

– 2.580 PV –

« Je dois dire qu’il est rare que la voie de l’inversion (des résultats) soit utilisée » avait déclaré la femme qui tient entre ses mains l’avenir du Gabon. Une petite phrase qui hérisse les pro-Ping.

« La Cour va procéder au contrôle de la régularité de tous les 2.580 procès-verbaux de cette élection », avait-elle ajouté. Les partisans de Jean Ping rappelle qu’il a saisi la Cour pour « le recomptage des résultats dans la province du Haut-Ogooué. La Cour ne saurait aller au-delà ».

Mercredi, pas moins de trois ministres régaliens (Intérieur, Justice, Défense) ont prévenu Jean Ping qu’il devrait rendre compte de ses actes en cas de nouvelles violences si son recours était rejeté.

Selon la Constitution, la Cour dispose de 15 jours pour vider le contentieux, soit jusqu’au vendredi 23 (la date du samedi 24 est évoquée, soit quinze jours après le début effectif des travaux de la Cour).

Les deux camps en appellent même à la justice internationale : La ministre de la Justice, Denise Mekam’ne, a indiqué jeudi dans un communiqué que le gouvernement avait « demandé instamment à la Procureure près la Cour pénale internationale d’ouvrir une enquête » après les violences, en mettant en cause l’opposition.

Et mercredi, deux plaintes de ressortissants franco-gabonais ont été déposées en France visant les forces de sécurité, selon un collectif d’avocats qui compte aussi saisir la CPI.

En attendant, Libreville revit les mêmes scènes qu’il y a trois semaines quand le pays attendait anxieusement l’annonce des résultats par le ministre de l’Intérieur.

Les forces de sécurité commencent à se déployer doucement dans toute la ville, au lendemain d’une conférence de presse où le ministre de l’Intérieur a annoncé qu’il ferait tout pour maintenir l’ordre.

Au moins trois camions de gendarmes ont pris place au rond-point Charbonnages, avec des hommes équipés de fusils et de bouclier anti-émeutes, à mi-chemin entre le domicile privé de Jean Ping et son siège de campagne, a constaté l’AFP. Par mesure de sécurité, le lycée Français, juste à côté de la maison de M. Ping, a fermé ses portes jeudi et vendredi.

Dans les magasins, les Gabonais attendent patiemment en file d’attente pour faire des provisions en prévision d’un long week-end d’incertitude.

L’économie qui tourne au ralenti depuis trois semaines va sans doute complètement s’arrêter. Dans la capitale économique Port-Gentil, le syndicat des salariés du pétrole (Onep) a demandé aux employeurs de laisser les salariés « rester à la maison, auprès des familles ».

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