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Mike Jocktane : «Aller au dialogue et être avec Ali Bongo, ce n’est pas la même chose !»

Dans une interview accordée à Gabonreview peu après sa sortie du 28 octobre 2016, le vice-président de l’Union nationale (UN) revient sur sa position en faveur du dialogue politique d’Ali Bongo. Il exprime ses attentes, regrette le peu de démocratie au sein de son parti et évoque l’entrée au gouvernement d’Estelle Ondo.

Gabonreview : L’Union nationale, le parti au sein duquel vous militez, a fait le choix de prendre part au dialogue politique qu’entend initier Jean Ping plutôt qu’à celui annoncé par Ali Bongo. Comprenez-vous ce choix ?

Mike Jocktane : Non, je ne comprends pas ce choix-là ! Je comprends par contre la colère des Gabonais, je comprends leur détresse et leur tristesse. Mais je pense que les hommes politiques avisés, qui constituent l’Union nationale, doivent être capables de dépasser les émotions et faire entendre la voix de la sagesse et de la raison. Face à la crise actuelle, il n’y a pas beaucoup d’options. Le dialogue, de mon point de vue, est la seule façon de sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve, et en même temps de garantir l’avenir que nous souhaitons, celui auquel nous aspirons pour nous-mêmes et pour nos enfants. Or, le dialogue implique que l’on parle avec plus que soi-même.

Etes-vous seul à militer en faveur du dialogue avec Ali Bongo au sein de votre parti ?

Vous le savez, dans la dynamique politique tout le monde n’a pas toujours le courage de son opinion. Moi, je suis un libre penseur, et je fais la politique avec mes convictions. Je les ai donc exprimées lors du conseil national extraordinaire de l’Union nationale. Maintenant, j’espère que d’autres après moi pourront exprimer les leurs.

Vous pensez qu’ils craignent de le faire ?

Je pense que certaines personnes sont simplement très prudentes et ont parfois besoin de voir que les eaux ont commencé à être remuées avant de plonger dans la piscine.

Vous semblez vouloir faire comprendre que la contradiction est mal perçue au sein de votre parti…

Ce qui est sûr c’est que nos partis, de façon générale, ont besoin de plus de démocratie. Nous devons sortir du schéma de gestion des partis que nous impose le PDG (Parti démocratique gabonais, ndlr) depuis toujours.

Concrètement, qu’attendez-vous du dialogue proposé par Ali Bongo ?

De ce dialogue, j’attends des avancées démocratiques et des progrès sur la question des libertés fondamentales Je pense qu’il y a des questions essentielles auxquelles le dialogue doit pouvoir répondre, notamment sur l’élection présidentielle à deux tours, le rôle de la Cenap (Commission électorale nationale autonome et permanente, ndlr), le rôle de la Cour constitutionnelle, le fonctionnement de ces deux institutions, la limitation du nombre de mandat, etc. En bref, l’instauration d’une démocratie vraie, avec des règles du jeu qui permettent une alternance.

Et si rien de tout ça ne vous était concédé ?

Au moins, on aura essayé. Je pense que la pire des choses, c’est de ne pas essayer. Je pense que le Gabon mérite qu’on lui donne une chance.

Moins d’une semaine après le refus officiel de l’UN de prendre part au dialogue d’Ali Bongo, vous avez organisé une conférence de presse pour exprimer le contraire à nouveau. Doit-on s’attendre à une démission de votre part ?

La vérité est que je ne peux pas savoir aujourd’hui ce qui se passera demain. J’ai exprimé ma pensée librement et je continue à l’exprimer. Je suis membre de l’Union nationale et j’ai le projet de rester dans ce parti. J’ai voulu faire ma déclaration avec les emblèmes de l’Union nationale, parce que je ne suis pas démissionnaire.

Vous ne craignez pas d’être traduit en conseil disciplinaire ?

S’il y a un conseil disciplinaire contre moi, ce n’est pas moi qui vais l’appeler. Et naturellement si cela arrive, j’irai me défendre. Moi, je suis de l’Union nationale et je veux y rester. Je pense que mon parti a besoin, comme toute structure dans laquelle il y a des hommes, a besoin de s’améliorer, de se perfectionner. Je pense qu’on peut y injecter un peu plus de démocratie, notamment dans son mode de fonctionnement.

Après la nomination d’Estelle Ondo, une de vos proches, au gouvernement, certains y ont vu l’œuvre de Mike Jocktane. Qu’y répondez-vous ?

Je pense que c’est insultant pour elle de le dire, parce que Estelle Ondo est une intellectuelle, un haut cadre de la République, bien qu’elle ait été écartée depuis sept ans de la Fonction publique. Elle est vice-présidente de l’Union nationale, et cela avant moi. C’est le dernier congrès ordinaire qui l’a confirmée comme vice-présidente. Elle avait d’abord été nommée par le président Zacharie Myboto, qui a dû voir en elle des qualités importantes. Ce sont, sans doute, les mêmes qualités qu’Ali Bongo a vues en elle. Estelle Ondo est au gouvernement parce qu’elle a été contactée, et elle a accepté d’y aller. Elle n’y est pas au nom de l’Union nationale ni en mon nom.

Vous comprenez qu’elle soit accusée d’avoir trahi votre parti ?

J’accepte que certaines personnes ne puissent pas comprendre sa démarche. Mais je pense que celle-ci est certainement le fruit d’un long processus lié au fonctionnement du parti, en plus de sa volonté d’apporter sa contribution à la construction d’un Gabon nouveau. Moi, je ne la condamne pas parce que je respecte les choix individuels

Les élections législatives devraient avoir lieu en décembre prochain. Appellerez-vous également votre parti à y prendre part, sachant qu’il dit ne pas reconnaître la légitimité du pouvoir actuel ?

Oui. Nous devons nous préparer à aller aux élections législatives. Mais je me pose la question de savoir si c’est raisonnable d’y aller dans les conditions actuelles. Je pense que non. Je militerai donc pour le dialogue politique d’abord, qui permettra nettoyer le système. Les législatives viendront après. En clair, moi Mike Jocktane je suis pour leur report.

Pour finir, je voudrais préciser qu’aller au dialogue et être avec Ali Bongo, ce n’est pas la même chose. Je pense que c’est dans l’intérêt du Gabon que toutes les composantes soient présentes au cours de ce dialogue. On aurait tort de laisser le pouvoir faire un monologue et décider seul de ce qu’il va nous arriver. Ce qui est clair, c’est que ce qui va sortir du dialogue appelé par Ali Bongo prendra corps dans la vie de la société gabonaise. L’opposition ne doit donc pas être absente.

Exprimez-vous!

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