Au Gabon, Jean Ping refuse tout contact avec Ali Bongo depuis la réélection très controversée de ce dernier, le 27 août dernier. « Je ne m’entendrai jamais jamais jamais avec Ali », a encore déclaré Jean Ping au micro de RFI le 31 octobre. Mais aujourd’hui le n°2 de l’opposition, Casimir Oye Mba, n’exclut pas un dialogue avec Ali Bongo, en prévision des législatives à venir. En ligne de Libreville, l’ancien Premier ministre d’Omar Bongo répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : dans une tribune publiée par l’hebdomadaire Misamu vous proposez une solution pour sortir de la grave crise politique actuelle au Gabon. Quelles solutions ?
Casimir Oye Mba : Nous sommes en présence de deux offres de dialogue, l’une qui a été formulée par monsieur Ali Bongo, l’autre qui a été formulée par monsieur Jean Ping. Moi j’appartiens au camp de monsieur Jean Ping. Donc j’irai au dialogue de monsieur Jean Ping. J’ai contribué à le faire élire, je suis heureux que les Gabonais nous aient suivis. Il est élu clairement dans les urnes le samedi 27 août 2016. Donc, bien évidemment, je me dois d’aller au dialogue de monsieur Ping. Je considère comme essentiel le maintien autour de monsieur Jean Ping de l’unité de la galaxie qui a été constituée autour de monsieur Ping pour les élections. Maintenant, allant au dialogue de monsieur Ping, nous allons élaborer des propositions. La question qui se pose dès lors, c’est : comment allons-nous faire pour les transcrire dans les faits, dans la réalité de la vie politique gabonaise ? Et je suggère qu’il sera forcément nécessaire, lorsque nous aurons fini notre dialogue à nous et que les partisans d’Ali eux aussi auront fait de leur côté leur dialogue, il faudra bien que nous essayions de croiser nos réflexions et voir dans quelle mesure ce qu’on peut en tirer, au besoin avec le facilitateur national de préférence ou à défaut étranger, un Africain d’un autre pays.
Donc en fait vous êtes OK pour aller au dialogue de Jean Ping, vous êtes OK pour laisser le camp Ali Bongo faire son propre dialogue et ce que vous suggérerez c’est une synthèse de ces deux dialogues dans un troisième dialogue où se retrouverait le camp Jean Ping et le camp Ali Bongo ?
Comment voulez-vous qu’on fasse autrement ? Pour faire en sorte que nos propositions, comment faire pour qu’elles entrent dans la réalité juridique, constitutionnelle, politique du pays ? La seule solution que je vois c’est que nous croisions nos idées avec celles qu’aura produit le dialogue des partisans de monsieur Ali Bongo.
Si vous voulez que les idées se croisent, il faudra bien qu’un jour vous parliez avec le camp d’en face, non ?
Mais bien sûr.
A quelles conditions ?
Mais à condition qu’ils acceptent que nous ayons des idées et qu’ils acceptent – eux – de les confronter. Voilà ce que je dis.
Dans quelques semaines sont prévues des législatives. Mais si un dialogue s’organise est-ce qu’il ne faut pas prévoir un report de ces élections ?
Nous, les gens de Ping, nous devrons apprécier précisément si on doit aller aux élections législatives maintenant ou s’il vaut mieux les reporter, conclure d’abord complètement les discussions et les négociations qu’elles pourront appeler. C’est-à-dire, en clair, remettre à plat le dispositif électoral. Parce que bien évidemment, je vois bien que si on va aux élections législatives avec le même dispositif électoral que celui qui existe aujourd’hui – celui qui existait au moment de l’élection présidentielle – la même Cénap est là, la même Cour constitutionnelle est là, le ministère de l’Intérieur est là, bien évidemment, il se passera ce qui s’est déjà passé.
Donc votre participation à un éventuel dialogue pouvoir-opposition dépendra d’un éventuel report des législatives pour remettre à plat les conditions du scrutin ?
Non, je ne dis pas cela. Je dis qu’il faut revisiter d’abord le dispositif électoral actuel et ceci passe évidemment par des discussions.
De plus en plus de voix dans la majorité se prononcent en faveur de la mise en place d’une nouvelle Constitution où le nombre de mandats présidentiels serait limité à deux. Est-ce que cela pourrait être l’une de vos conditions ?
Personnellement, je suis tout à fait en faveur de la limitation à deux du nombre de mandats pour un président.
Et s’il y avait dialogue, évidemment vous voudriez que cette question soit sur la table ?
Ça me paraît un point essentiel. Essentiel !
Le 27 août dernier, vous avez donc voté Jean Ping. Vous êtes toujours son allié, comme vous le dites, mais aujourd’hui celui-ci rejette tout dialogue avec le camp Ali Bongo. Est-ce que vous n’êtes pas en désaccord sur ce point ?
Peut-être, mais moi j’émets mes idées. Je suis avec monsieur Ping, je pense que l’intérêt de cette alliance c’est que chacun de nous dise ce qu’il pense. Etre avec monsieur Ping ça ne veut pas dire que nous devons sur toutes choses avoir exactement la même approche. Nous devons chacun apporter sa contribution et puis voir ce qu’il est possible de faire.
Quand vous écrivez dans Misamu que la candidature unique en faveur de Jean Ping s’est faite au forceps, est-ce que vous voulez dire qu’à l’époque vous n’étiez pas d’accord ?
Ah, mais il n’y a pas de doute là-dessus. Ça n’a pas été un accouchement facile cette candidature unique de l’opposition.
Et vous la regrettez ?
Pas du tout.
Quand vous dites que la légalité est du côté d’Ali Bongo est-ce parce que vous le reconnaissez comme président de la République du Gabon ?
Aujourd’hui, qui est au palais ? C’est monsieur Ali Bongo qui est au palais. Même si – et je le dis clairement dans mon papier – « l’élection » de monsieur Ali Bongo c’est une imposture, c’est un vol !