C’est la première fois dans l’histoire du Parlement gabonais qu’un membre du Gouvernement est rabroué et expulsé par des députés ! Bruno Ben Moubamba aurait eu, selon un député, « des mots irrespectueux » vis-à-vis des parlementaires et de l’institution qu’ils représentent.
Lundi 21 novembre 2016, comme l’ont fait une demi-huitaine de ministres avant lui, et comme s’apprêtent à le faire d’autres membres du Gouvernement, Bruno Ben Moubamba, vice-Premier ministre, ministre de l’Habitat, du Logement social et de l’Urbanisme, s’est rendu à l’Assemblée nationale, devant la Commission des Finances, pour présenter le projet de budget de son département ministériel.
L’audition avait bien démarré. Mais tout a dérapé lors des échanges. En effet, après quelques questions sur la manière dont il compte utiliser les crédits qui seront mis à sa disposition dans un secteur dont le bilan est jugé très négatif depuis 2009, en raison des promesses non tenues par ses cinq prédécesseurs (Blaise Louembé, Pacôme Ruffin Ondzounga, Magloire Ngambia, Désiré Guédon, Alexis Boutamba Mbina), en dépit des budgets affectés. Visiblement agacé, le Vice-Premier ministre, est allé jusqu’à affirmer que l’actuelle Assemblée nationale n’avait pas été élue sur des bases démocratiques. Cela a suscité l’ire des élus nationaux qui ont alors demandé au membre du Gouvernement de quitter la salle et de n’y revenir qu’après leur avoir présenté des excuses.
Devant sa ministre déléguée, Edwige Betah Essoukou, éberluée et apparemment désarçonnée par ces propos peu amènes, Bruno Ben Moubamba a fini par sortir de la salle où était réunie la Commission des Finances présidée par Maurice Eyamba Tsimba, député PDG de la Lékoni-Lékori. Ce n’est que le lendemain que les députés ont accepté de le recevoir pour son audition. Toutes propositions gardées, si l’on excepte le clash qu’il y a eu, il y a trois ans, entre Emmanuel Issoze Ngondet et les députés au sujet des passeports diplomatiques, et le ”départ poli” de l’Assemblée nationale, quelques minutes après le début de son audition, de Marie-Julie Biloghé Bi Nzendong, alors ministre déléguée à l’Economie qui, en lieu et place de son ministre titulaire Régis Immongault, alors en mission, avait tout le mal du monde à répondre aux questions des députés, l’incident du 21 novembre est le premier qui se produit au Palais Léon Mba.
Bruno Ben Moubamba va-t-il rester au Gouvernement ?
Jamais pareil incident ne s’y était produit : un membre du Gouvernement qui se montre aussi peu courtois à l’égard d’une institution et de ses membres, se disant prêt à relever tous les défis avec ou sans le soutien des députés, comme s’il aimait l’instauration de rapports de force avec ses interlocuteurs, quels qu’ils soient. Pour les députés, si Bruno Ben Moubamba veut revenir et être reçu à l’Assemblée nationale pour une nouvelle audition, il se doit de présenter des excuses publiques aux élus et à leur institution.
Mais au-delà de cet échange très discourtois avec Bruno Ben Moubamba qui a mis les députés en colère, la question que l’on se pose dans l’opinion est celle de savoir si le Premier ministre prendra des mesures d’ordre disciplinaire à l’encontre du vice-Premier ministre ; celui n’ayant pas donné de lui et du Gouvernement l’image d’un ministre respectable devant les élus du peuple. Pour moins que ça, Pierre-Claver Maganga Moussavou, alors ministre d’Etat chargé de la Planification, avait été ”viré” du Gouvernement par manque de solidarité gouvernementale en octobre 1996. A la demande du Premier ministre d’alors, le Dr. Paulin Obame Nguema, Pierre-Claver Maganga Moussavou avait dû remettre sa lettre de démission…et il fut remplacé par un autre hiérarque de son parti (PSD), Senturel Ngoma Madoungou.