En Gambie, le parti de Yahya Jammeh a saisi ce mardi 13 décembre la Cour suprême pour demander l’annulation les résultats de la présidentielle du 1er décembre, alors que la Cédéao a dépêché une mission à Banjul. Composée de plusieurs chefs d’Etat venus du Liberia, du Nigeria, du Ghana et de Sierra Leone, elle affiche un objectif très clair, mais dont la mise en œuvre risque de l’être beaucoup moins.
Comme le président sortant Yahya Jammeh l’avait annoncé, son parti a saisi ce mardi soir la Cour suprême pour demander l’annulation des résultats de la présidentielle remportée par l’opposant Adama Barrow. Selon le texte du recours de l’Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC) dont l’Agence France-Presse a obtenu copie, la Commission électorale « n’a pas correctement compilé les résultats ». Il affirme aussi que dans une région du pays, un nombre significatif de partisans de l’APRC « ont subi des intimidations qui les ont empêchés de voter ».
Cette saisine de la Cour suprême intervient alors qu’une délégation de chefs d’Etat de la Cédéao est à Banjul pour rencontrer Yahya Jammeh. Avec un objectif affiché très clair : lui faire comprendre qu’il doit lâcher le pouvoir, qu’il n’y a pas d’autre issue possible, que sa volonté de déposer un recours devant la Cour suprême arrivait trop tard et que sa première déclaration, la reconnaissance de sa défaite, a signé la fin de son règne sur la Gambie. « Un homme d’Etat qui a donné sa parole ne devrait pas remettre en cause les résultats », a déclaré sur RFI le président de la Commission de la Cédéao.
Une marge manœuvre réduite
Mais personne n’est en mesure de dire si l’imprévisible ex-président, critiqué de toutes parts, acculé par les instances africaines et internationales, va plier. Pour la délégation des quatre chefs d’Etat arrivée en début d’après-midi, la première étape de cette visite est de rencontrer Yahya Jammeh à huis clos à la présidence. Il y a dix jours, après l’annonce des résultats et la victoire d’Adama Barrow, l’ex-président avait refusé un entretien avec Mohamed Ibn Chambas, le représentant des Nations unies dans la sous-région.
Sur le papier, il ne pouvait cette fois-ci pas refuser d’accueillir quatre chefs d’Etat. Mais l’ex-président, fermé à toutes discussions durant 22 ans, est-il prêt à négocier avec la Cédéao ? Quelle porte de sortie l’instance ouest-africaine peut-elle lui proposer, elle qui avait salué sa déclaration lorsqu’il a reconnu sa défaite ? La marge de manœuvre est réduite.
Autre élément qui pourrait être utile, ou au contraire énerver Yahya Jammeh : la présidente en exercice de la Cédéao, la présidente du Liberia Ellen Johnson Sirleaf, a demandé à son homologue du Ghana de venir à Banjul. Une situation intéressante, car vendredi, au moment où Yahya Jammeh faisait volte-face, John Dramani Mahama reconnaissait au contraire sa défaite et acceptait la transition politique. Yahya Jammeh est-il capable d’entendre un tel argument ? Dans tous les cas, la Cédéao a déjà menacé d’utiliser la force s’il refusait de lâcher le pouvoir.
La Commission électorale bouclée par l’armée
Mais visiblement, Yahya Jammeh n’a pas dit son dernier mot. La Commission électorale a été bouclée par l’armée au moment où les chefs d’Etat arrivaient à Banjul. « Ils ont agi sur ordres », a indiqué à nos confrères de Reuters le président de la Commission qui ajoute « être inquiet pour sa sécurité ». Ce bouclage est « une décision extrêmement grave », estime une source diplomatique de la sous-région. Autre élément inquiétant qui pourrait changer le cours des négociations, Ousmane Badjie le chef d’état-major des armées, qui a exprimé toute sa loyauté envers le président élu la semaine passée a indiqué à la presse ce matin : « Jammeh me paie, c’est à lui que je réponds ». Officiellement, Yaya Jammeh a 60 jours à partir de l’annonce des résultats pour assurer la transition avec le président élu Adama Barrow et donc quitter le pouvoir.
En Gambie, Yahya Jammeh esttout de même de plus en plus isolé. Après les professeurs d’université, les avocats viennent d’annoncer que sa volte-face était une trahison. A l’image du site de la présidence gambienne, piraté le week-end dernier, et sur lequel apparait désormais le message « site en construction », les Gambiens joints au téléphone savourent leur démocratie retrouvée, veulent construire leur « nouvelle Gambie » et ne sont donc pas prêts à se faire voler leur liberté retrouvée par Yahya Jammeh.