Invités extérieurs et surprises du sommet extraordinaire de la Cemac, le 23 décembre, la patronne du FMI, Christine Lagarde, et le ministre français de l’Économie et des Finances, Michel Sapin, s’y sont rendus avec une option de dévaluation du franc CFA d’Afrique centrale, a appris Jeune Afrique dans son numéro 2922, en kiosques du 8 au 14 janvier.
Mais pourquoi diable, le 23 décembre, à la sortie de leur sommet extraordinaire, les chefs d’État de la Cemac, du Cameroun, du Tchad, du Congo-Brazzaville, du Gabon, de la Guinée équatoriale et de la Centrafrique, ont-ils pris la peine d’évacuer « un réajustement de la parité monétaire actuelle » au premier des 21 points de leur communiqué final ? En clair, de dire niet à une dévaluation du F CFA d’Afrique centrale.
Pour la simple raison, qu’elle figurait en bonne place dans les raisons du déplacement en binôme de la patronne du FMI, Christine Lagarde, et du ministre français de l’Économie et des Finances, Michel Sapin. Invités extérieurs à ce conclave, Christine Lagarde et Michel Sapin s’y sont rendus avec, dans leurs bagages, une option de dévaluation du franc CFA d’Afrique centrale, celui d’Afrique de l’Ouest étant considéré comme sain, a appris Jeune Afrique dans son numéro 2922 en kiosques du 8 au 14 janvier [disponible ici en version digitale].
Comme le dit un des participants, « ce jour-là, nous sommes passés à deux doigts d’une dévaluation ». Une possibilité évoquée explicitement par Lagarde devant les chefs d’État africains : « Vos réserves de change ne couvrent plus que deux mois d’importations, ce qui est incompatible avec une zone monétaire à taux de change fixe. Vos perspectives sont mauvaises, la zone Cemac se dirige vers une crise encore plus sérieuse, la dévaluation n’est pas à écarter. »
Comme monnaie d’échange aux « négociations bilatérales » que les pays d’Afrique centrale sont convenus, au point 13 de leur communiqué final, « d’ouvrir et de conclure à brève échéance » avec le FMI ?
En tout cas, les chefs d’État ont refusé ce coup de poignard à la veille de Noël, faisant figurer leur refus en tête de chapitre. Mais l’épée de Damoclès est bien là, et elle restera suspendue toute l’année 2017 au-dessus de leur tête. D’autant plus que, techniquement, rien ne s’oppose à la dévaluation de la monnaie du seul bloc monétaire d’Afrique centrale.
Et a fortiori dans un contexte de fronde anti-CFA qui ne mollit pas. Pas plus tard que ce samedi 7 janvier, une journée de mobilisation contre l’ex-franc des colonies françaises d’Afrique devait mobiliser de Paris à Dakar en passant par Abidjan, Ouidah, Londres et Bruxelles, selon l’essayiste franco-béninois Kemi Seba et son ONG nouvellement créée, Urgences panafricanistes, qui avaient pris l’initiative de ces rassemblements.
Notre Banque centrale a retrouvé sa crédibilité, assure Lucas Abaga Nchama
Pour le gouverneur sortant de la Beac, Lucas Abaga Nchama, interrogé dans le même numéro de J.A., la réflexion sur l’avenir du franc CFA doit se faire en dehors de ce contexte de crise. « La diversification des économies, l’accélération de l’intégration régionale, l’amélioration du climat des affaires, l’adoption des réformes structurelles et des politiques budgétaires appropriées doivent être les priorités pour le moment », martèle l’Équato-Guinéen.
Il avait pris ses fonctions de gouverneur en 2010, en pleine tourmente. À l’époque, un scandale de détournement de fonds au bureau parisien de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), révélé par Jeune Afrique en 2009, ébranlait l’institution. Lucas Abaga Nchama avait alors pour objectif de réorganiser celle-ci et d’y rétablir la transparence et la confiance, le tout, là encore, sous la supervision du FMI.
Sept ans plus tard, cet Équato-Guinéen, formé en France et ancien secrétaire général du ministère des Finances et du Budget de son pays, affirme que c’est chose faite. « Notre Banque centrale a retrouvé sa crédibilité », assure-t-il. Alors qu’il s’apprête à quitter son poste à la fin de janvier, à 55 ans, c’est une autre crise, provoquée par la baisse durable des cours du pétrole, qui affecte très sérieusement les six pays de la Cemac. Celle-ci, dont cinq États membres sont exportateurs d’or noir, ne devrait réaliser qu’une croissance économique de 1 %, et des pays comme le Tchad [qui doit par ailleurs faire face aux terroristes de Boko Haram] sont confrontés à de graves problèmes budgétaires.