Le moins que l’on puisse dire, c’est que les deux candidats à l’élection présidentielle ont fait l’impasse sur l’Afrique, hier soir, lors de leur duel télévisé. C’est ce que constatent bon nombre de journaux du continent ce matin, à commencer par WalfQuotidien à Dakar : « L’Afrique a été presque la grande absente, hier, du débat d’entre-deux tours entre les deux qualifiés. Aucun des deux n’a semblé porter un intérêt particulier sur le continent noir. […] Quand les deux animateurs du débat leur ont demandé de décliner leur programme en matière de politique étrangère, les deux protagonistes ont plutôt affiché leurs divergences sur la Russie et les États-Unis, pointe le quotidien sénégalais. L’Afrique, qui fait pourtant courir la France et ses multinationales, n’a été traitée que comme un simple subalterne dans cette confrontation, qui a duré plus de deux tours d’horloge. »
« Débat le Pen-Macron : l’Afrique en déduction », renchérit Ledjely.com en Guinée. « L’Afrique, le prétendu continent d’avenir, n’a pas été explicitement mentionnée. Tout au plus, on se contentera de vagues déductions à tirer des positions que Macron et Le Pen ont affichées notamment par rapport à la lutte contre le terrorisme, au phénomène de migration et plus globalement au rapport que l’un et l’autre promettent d’avoir avec le monde extérieur. Mais en attendant ces questions de fond, l’Afrique doit se réjouir qu’Emmanuel Macron ait largement dominé le débat, estime Ledjely.com. C’est une issue qui présage d’une défaite de Marine Le Pen. Une perspective qui ne devrait surtout pas faire pleurer en Afrique. »
En effet, pour le site guinéen, « la candidate du FN ne se sera pas élevée à la hauteur du défi. Portée sur les attaques, elle est demeurée superficielle et vague sur ses propres propositions. Se bornant en outre à jouer sur les oppositions riches pauvres et nation-mondialisation, elle a ensuite passé une bonne partie de la soirée à essayer de cataloguer son adversaire tout à la fois comme le candidat des riches et des multinationales étrangères et comme l’héritier légitime de François Hollande. »
Globalement, ce débat n’a pas été à la hauteur. Et c’est bien Marine le Pen qui l’a tiré vers le bas, estime également le site congolais Cas-Info. « La France a connu hier soir le pire débat de l’entre-deux tours de son histoire des présidentielles. […] En effet, on était bien loin des confrontations d’anthologie de 1974 avec VGE et Mitterrand, de 1988 entre Mitterrand et Chirac ou encore il y a 10 ans, du duel Sarkozy–Royal, autant de débats qui ont tant fait rêver de nombreux Africains passionnés de politique française. Dès l’entame, pointe Cas-Info, Marine Le Pen a ouvert le feu sur le “candidat du système” et “de la mondialisation sauvage”. Là où Emmanuel Macron renvoyait à plusieurs reprises des “arrêtez de dire des bêtises”. Un débat agressif. Peut-être un peu trop agressif. Parce que Marine Le Pen cherchait à tout prix à réinstaller l’ancien ministre de l’Économie dans le bilan du quinquennat de François Hollande. Tandis qu’Emmanuel Macron, qui s’en est échappé malicieusement, dénonçait à tout moment le mensonge et l’absence de projet chez son adversaire. »
Alors, s’interroge le site d’information burkinabé Wakat Séra : « Macron en marche vers l’Élysée va-t-il broyer du Le Pen comme dans le débat télévisé ? » Pas si sûr, estime-t-il. « Le report des voix des autres candidats malheureux n’étant pas systématique et les consignes de vote, demeurant des intentions que les électeurs ne sont point obligés de respecter au moment de glisser leurs bulletins dans l’urne, rien n’est joué d’avance. »
« Le combat cathodique, musclé par moments, d’hier soir aura-t-il pour autant une incidence sur l’issue de la bataille électorale ? », s’interroge également L’Observateur Paalga à Ouaga. « Difficile à dire, répond-il, tant de nombreux impondérables existent : comportement des militants de La France insoumise dont le gourou, Mélenchon, a décidé de ne pas donner de consigne de vote ; report des voix à droite comme à gauche, réveil ou pas des abstentionnistes, etc. Quoi qu’il en soit, conclut L’Observateur Paalga, si la victoire finale dimanche prochain de Macron, sauf cataclysme, semble assurée, ce ne sera certainement pas dans les proportions soviétiques de 2002 quand le “tout sauf Le Pen” avait accordé à Chirac l’Africain 82 % des voix. »