Ce sont plus de 8 millions de dollars qui auraient transité par les comptes de Joseph Szlavik, pour payer le train de vie de la présidence gabonaise aux Etats-Unis.
Les autorités américaines ont séquestré un demi-million de dollars sur les comptes du lobbyiste américain Joseph Szlavik. Ce dernier est soupçonné d’avoir transféré illégalement des fonds aux Etats-Unis, dont certains depuis la Suisse, pour régler des dépenses du président gabonais Ali Bongo et de ses proches entre 2010 et 2013.
Les comptes ont été bloqués en 2013, mais leur séquestre n’a officiellement été prononcé par la Cour fédérale de Washington que le 9 mai 2017. Formellement, Joseph Szlavik est poursuivi pour avoir opéré sans licence un service de transfert de fonds pour des tiers.
Le contenu de la plainte du Département de la Justice a été révélé jeudi 18 mai par la lettre d’information suisse Gotham City. Des emails datant de 2013 cités dans le document montrent que Joseph Szlavik s’adressait au lieutenant-colonel Arsène Emvahou, proche conseiller d’Ali Bongo, pour confirmer le paiement de certaines dépenses « approuvées par le Président ».
En tout, plus de 8 millions de dollars auraient transité par les comptes de Joseph Szlavik entre 2010 et 2013. Le lobbyiste aurait touché 2 millions de dollars de rémunération.
Interrogé par sa banque américaine sur l’usage des fonds qui transitaient par ses comptes, Joseph Szlavik avait expliqué qu’il était chargé de faire la promotion d’un joueur de foot africain et de régler ses dépenses aux Etats-Unis. Le nom du joueur n’a pas été rendu public par les autorités américaines.
Or plus de 4 millions de dollars provenant de la banque BGFI de Libreville ont été utilisés pour acheter des bijoux à Londres et New York pour le président Bongo et sa seconde épouse, Sylvia. D’autres virements ont par exemple servi à régler les frais dentaires de Soleman Liban, un ancien chef de cabinet d’Ali Bongo.
Sur les huit millions reçus par Joseph Szlavik, quelque 40 000 dollars provenaient d’un compte suisse chez UBS. Le versement aurait été ordonné par un fond d’investissement des Emirats arabes unis.
Joseph Szlavik se chargeait notamment d’exécuter les versements exigés par l’ex-épouse d’Ali Bongo vivant aux Etats-Unis, Inge Lynn Collins-Bongo. Dans des emails au langage coloré cités dans la plainte américaine, elle demandait au lobbyiste de transmettre ses requêtes à Ali Bongo, qu’elle appelait « boss » ou « baby ».
Les fonds qui lui étaient destinés provenaient soit directement d’un compte de la République du Gabon à la Citibank, ou étaient apportés en liquide depuis le Gabon par Joseph Szlavik et un associé, Derek Ashby.
« Saches que j’apprécie beaucoup tes bonnes intentions et l’argent que tu m’a envoyé via Derek, écrivait Inge Collins dans un message à Ali Bongo transmis via par Joseph Szlavik en 2013. Merci pour les 50 000 dollars, mais j’ai besoin de mon argent, baby ! Tous les 200 000 dont je t’ai parlé dans ma lettre ! Envoie le cash au plus vite via Joe parce que ma vie ne tient plus qu’à un fil ! »
Joseph Szlavik utilisait les comptes de sa société Scribe Strategies & Advisors auprès de la Citizens Bank pour collecter des fonds.
« Tu dois savoir la raison pour laquelle ton ami [Ali Bongo] était si pressé de me livrer le cash dont j’avais besoin, a encore écrit Inge Collins-Bongo dans un email à Joseph Szlavik en juin 2012. J’ai discrètement contacté Sylvia [la seconde épouse d’Ali Bongo] sur Facebook pour la prévenir que les choses allaient vraiment mal tourner [si l’argent n’était pas livré]. Elle lui a mis la pression ! Deux heures après ce message, tu m’as appelé pour me dire que l’argent arriverait le lendemain. J’aime bien Sylvia ! »
Jospeh Szlavik avait déjà été condamné pour contrebande en 1997 après avoir apporté des liasses de billets aux Etats-Unis à Pascaline Bongo, fille de l’ancien président Omar Bongo, et sœur de l’actuel président Ali Bongo.
Par François Pilet