Coup de bluff, véritable volonté d’en découdre avec l’actuel pouvoir ou méthode de diversion savamment orchestrée au moment où débutent les investigations de la Cour Pénale Internationale (CPI) sur les dernières émeutes postélectorales ? Des hypothèses toutes plausibles et faisant penser à plusieurs observateurs que Roland Désiré Aba’a Minko a bénéficié de soutiens de tous ordres. Comme il fallait s’y attendre, pouvoir et opposition s’accusent mutuellement d’avoir fomenté lesdites attaques. Qui est donc derrière Roland Désiré Aba’a Minko ?
« (…) Ca a commencé avec Léon Mba et ça devrait finir avec Léon Mba. Vous avez souvenance qu’après Léon Mba, c’était Omar Bongo. Et Omar Bongo a dit si on bouscule son système, Libreville sera une tâche noire. Nous allons confirmer cela aujourd’hui. Libreville sera une tâche noire, si le système Bongo ne tombe pas. Nous avons miné tous les bâtiments administratifs et institutionnels de la République. Si dans 72 heures, Ali ne part pas, un bâtiment sautera chaque jour », voici l’ultimatum lancé par Roland Désiré Aba’a Minko le 16 juin dernier à l’actuel Chef d’Etat, au mausolée du « Père » de l’Indépendance, Léon Mba.
A la suite de cette déclaration de guerre, s’ensuivront des attaques, avec pose de bombes artisanales, sans effusion de sang, dans les rédactions des médias TV+, TVS, Kanal 7, Africa N°1, Télé Africa, à la salle diffusion de Gabon Télévision et à la Représentation de l’Union Européenne. Des attaques quasi-simultanées et menées avec le même mode opératoire : des éléments cagoulés et armés imposant la diffusion d’un CD intitulé : « la Révolution du Peuple » dans lequel Roland Désiré Aba’a Minko somme Ali Bongo de quitter le pouvoir.
Une stratégie trop bien conçue ?
Des attaques menées en un temps record, mais surtout au nez et à la barbe des forces de sécurité et de défense, surtout quand on sait que les rédactions de TV+ et TVS sont situées au quartier Saint Michel, à quelques encablures du Commissariat de police de Nkembo. Idem pour Africa N°1 et Gabon Télévision, deux organes logés en plein cœur du boulevard triomphal abritant plusieurs Administration et Institutions nationales. Les locaux de Téléafrica quant à eux sont à quelques minutes du palais présidentiel, de la Police Judiciaire et du célèbre corps d’élite qu’est la Garde Républicaine, GR, sans oublier le Ministère de la Défense. Bref, des organes symbolisant la puissance et l’autorité de l’Etat. A cela s’ajoute la logistique déployée, (véhicules, cagoules et uniformes de milice). Pas besoin d’être expert en criminologie, pour voir derrière cette série d’attaques une stratégie bien huilée. Autre argument créditant la thèse du « coup monté », le passé du meneur de ladite tentative de coup d’état.
Depuis son entrée en politique, l’homme s’en prend à la France. Soulignons qu’il mena au début de la décennie 2010 une grève de la faim, pour dénoncer les accords bilatéraux signés entre le pays d’Emmanuel Macron et le Gabon qui selon lui sont à l’origine des maux du Gabon. Roland Désiré Aba’a Minko en fera d’ailleurs son programme de campagne à la présidentielle d’août dernier, avant de se désister à quelques jours du vote au profit de Jean Ping. Tant de raisons pour lesquelles il est difficile de ne pas voir une main noire derrière Aba’Minko.
Vague de condamnations et accusations voilées
Les acteurs politiques ont condamné unanimement les événements du 16 juin dernier. Toutefois, deux positions méritent que l’on s’y attarde, à savoir celles du bord de Jean Ping et du pouvoir, les deux camps se rejetant mutuellement la responsabilité. Au lendemain des attaques, samedi 17 juin 2017, Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, Porte-parole de la coalition pour la Nouvelle république autours de Jean Ping a tenu à lever toute équivoque relative à une quelconque responsabilité voire complicité de son leader. Pour lui, il s’agit ni plus ni moins d’une mise en scène de navet, visant à noyer l’arrivée en terre gabonaise d’une délégation de la CPI.
« Comment ne pas s’interroger sur l’intérêt pour certains de voir sombrer le pays dans la confusion et le chaos, afin de justifier de l’installation d’une situation d’exception ? Le président Jean Ping attire l’attention de l’opinion et de la communauté internationale sur la nécessité de ne pas se servir opportunément de ces évènements, auxquels ni lui, ni la coalition ne sont mêlés d’aucune manière pour créer au Gabon une situation d’exception à travers laquelle tous les excès et toutes les violations trouveront leur justification », a déclaré Jean Gaspard Ntoutoume Ayi.
Sans prendre de gants, Alain-Claude Bilié By Nzé, Ministre de la Communication et par ailleurs Porte-parole du Gouvernement pointe un doigt accusateur vers Jean Ping. Lors de sa conférence de presse tenue le 19 juin dernier, Alain-Claude Bilié By Nzé a déclaré « Roland Désiré Aba’a Minko dont le soutien à Jean Ping est notoirement connu, a agi pour le compte de ce dernier qui devait être bénéficiaire d’un aboutissement de son action de violence ». Précisant sa pensée l’orateur du jour a lancé sans ambages : « Monsieur Aba’a Minko a agi après avoir écouté tous les discours de violence prononcés avant, pendant et après le scrutin présidentiel ».
Dans tous les cas, le coup de Roland Désiré Aba’a Minko est aussi visible que le nez au milieu du visage. Reste aux autorités compétentes à mener les investigations nécessaires et situer les différentes responsabilités dans ce qu’il est convenu d’appeler « coup d’état manqué ».
Yannick Franz IGOHO