L’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo est revenu «à la maison». Malgré une éclipse durant et après la dernière présidentielle, son ombre n’a jamais cessé de planer sur l’opinion publique gabonaise. Aussi, le retour de l’enfant prodigue est-il entouré de nombreux fantasmes et supputations.
L’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo est de retour au Gabon. Après une absence remarquée d’environ un an, celui que d’aucuns disaient avoir été victime d’un accident vasculaire cérébral, alors que d’autres soupçonnaient la simulation de la maladie pour ne pas polluer la campagne de son patron, est arrivé à Libreville, le 26 mai en milieu d’après-midi, à bord du Gulfstream G650 de la présidence gabonaise. Selon des sources bien introduites, il était accompagné de Pacôme Yamadjako, présenté comme son cousin et connu pour être le gérant de la société de droit marocain Excel Compta, en charge de la gestion du patrimoine immobilier de la présidence gabonaise dans le pays de Mohammed VI.
Ce retour devrait absolument faire des vagues. Pas besoin d’être un extralucide mystique pour comprendre l’agitation qu’une telle réapparition va occasionner, tant l’homme est accusé de tous les péchés d’Israël. Si son absence a permis la nomination d’un nouveau directeur de cabinet, Maixent Accrombessi n’avait pas pour autant pas quitté le palais présidentiel, puisqu’il a été nommé, entretemps, au poste de Haut représentant du chef de l’État et que, de bonne source, son bureau a été préservé de toute autre occupation. On se demande cependant si son immense aura va s’ajuster à ses nouvelles fonctions. Son nouveau costume sera-t-il étriqué, trop juste ou trop large pour ses épaules ?
Une chose est sûre : s’il ne faut pas s’attendre à un remaniement immédiat du cabinet présidentiel, Martin Boguikouma, l’actuel directeur de cabinet, et Jean Valentin Leyama, son adjoint, tous originaires de la province natale d’Ali Bongo, vont devoir s’accommoder de la présence, dans leur giron, de l’ex-faiseur du beau temps et de la pluie. Par ailleurs, dans un contexte où, en droite ligne avec les accords du dialogue d’Angondjé, un réaménagement du gouvernement s’annonce, la venue de Maixent Accrombessi n’est pas pour rassurer, hors du palais, ceux qui avaient «négocié un poste au gouvernement» par l’intercession ou l’entremise de Martin Boguikouma.
Ali Bongo sait que sur un bon nombre de récriminations ayant écorné son image et alimenté quelques animosités à son sujet planait l’ombre de l’ancien directeur de cabinet, jugé trop influent sur les affaires du pays. «Je vous ai compris», avait-il lancé lors de son investiture. Le jeu de chaises musicales intervenu peu après dans son entourage a probablement apaisé les rancœurs dans son camp. Mais cette détente va-t-elle durer ? Dans un pays où tout se négocie dans les cabinets, où parler à l’oreille du président de la République est un avantage que personne ne voudrait troquer contre rien d’autre, on se demande bien si Accrombessi pourra s’en passer et si sa carrure ne fera pas de l’ombre à son successeur au point de n’en faire qu’un directeur de cabinet factice.
L’éclipse momentanée de Maixent Accrombessi a par ailleurs alimenté bien de fantasmes et d’extrapolations. Au sein de l’opinion, il se dit qu’il serait parti du pays avec une manne financière qui, ramenée, amoindrira la crise économique du pays. Si cela prête à rire, il reste que l’on pense aussi que l’opération Mamba, censée lutter contre l’enrichissement illicite et assainir les finances publiques, ne s’est attaquée qu’à ses poulains. Les supposés «Accrombessi boys» vont-ils donc bénéficier de la rémission de leurs péchés ? Rien de tout cela n’est sûr, Ali Bongo risquant de recevoir une nouvelle volée de bois vert.
Quelle attitude l’homme de tous les fantasmes va-t-il donc avoir ? Personne mieux que Gabriel Bonnot de Mably ne saurait décrire ce qu’il doit ressentir. «Le premier sentiment d’un honnête homme qu’on accuse d’un crime doit être une certaine honte qui le gêne ; il est confus d’avoir à se justifier ; il voit avec terreur l’incertitude des jugements humains, et il serait absurde de prendre son embarras pour un aveu des faits sur lesquels on l’interroge».
Auteur : Alain Mouanda