Une juge d’instruction française a décidé d’enquêter sur d’éventuels crimes contre l’humanité perpétrés lors des violences post-électorales au Gabon après la victoire controversée d’Ali Bongo à la présidentielle de 2016.
En septembre 2016, un Franco-Gabonais a déposé une plainte pour arrestation et détention arbitraire en bande organisée, torture, tentative d’assassinat et crime contre l’humanité. Ce jeune homme, qui a souhaité gardé l’anonymat, avait été arrêté la nuit du 31 août au 1er septembre au QG de Jean Ping.
En avril 2017, une enquête a été ouverte à Paris sans que la qualification de crime contre l’humanité ne soit pas retenue. Mais ces derniers jours, la juge en charge du dossier a retenu ce dernier chef, estimant que l’on ne peut d’emblée l’écarter.
C’est ce que souhaitait maître Eric Moutet, l’un des deux avocats du plaignant. « On considère effectivement que cette catégorie de personne était visée pour des motifs politiques, explique le magistrat. Donc ce qui peut rentrer dans la définition de la notion de crime contre l’humanité. Le parquet de Paris refusait purement et simplement cette incrimination-là. Le magistrat instructeur a été contre cet avis. [Il] dit simplement : l’enquête démarre, donc il n’y a pas matière à refermer cette notion de crime contre l’humanité, on se laisse la possibilité d’enquêter. »
Indignation
De son côté, l’ambassadeur du Gabon en France, Flavien Enongoué, se dit choqué que la juge d’instruction ait retenu l’incrimination de « crime contre l’humanité » et s’interroge sur d’éventuelles visées politiques derrière cette plainte.
« Je me demande si on s’imagine le tort immense que l’on inflige à l’histoire des crimes de masse et des crimes de génocide, et aux peuples qui en ont été victimes, lorsqu’on fait le rapprochement avec ce qui s’est passé au Gabon, c’est-à-dire des violences post-électorales au cours desquelles malheureusement des compatriotes ont perdu leur vie, s’indigne Flavien Enongoué. Toute perte en vie humaine est de trop pour notre pays. Mais instrumentaliser ces morts, c’est une opération politique. »
Déposée le même jour, une seconde plainte pour séquestration et détention arbitraire fait l’objet d’une autre information judiciaire en France. Dans les deux procédures, les parties civiles devraient être entendues pour confirmer les termes de leur plainte dans le courant du mois de juillet.