Alors que les mobilisations populaires de la campagne électorale d’août 2016 à Libreville se sont soldées par un cuisant échec pour le candidat du Parti démocratique gabonais (PDG) dans les bureaux de vote, ses «soutiens» ont décidé de lui mentir à nouveau, en mettant à contribution, à coup de millions de francs, des jeunes pour l’accueillir à son retour de Cuba, le 10 juillet. L’objectif réel était ailleurs.
A quoi ont réellement servi les mobilisations initiées, lors de la campagne électorale d’août 2016, par les nombreuses associations, mouvements et partis politiques présentés comme des soutiens d’Ali Bongo ? A pas grand-chose, est-on tenté de répondre au regard de la débâcle du candidat du PDG dans les bureaux de vote, lors de la dernière élection présidentielle, notamment à Libreville. Pourtant, c’est encore dans la capitale que les «amis» du président de la République ont à nouveau mobilisé des centaines de jeunes, lundi 10 juillet, pour l’accueillir à son retour de Cuba, où il était en visite officielle. Une nouvelle fois, cette mobilisation d’une journée aura nécessité des millions de francs, alors que des milliers de Gabonais subissent le contrecoup de la crise économique depuis des mois.
Pourtant, cette énième «mobilisation pour rien», il fallait l’organiser. «Il fallait montrer au président qu’il n’est pas et ne sera jamais seul», prétendent certains au sein de l’Union des jeunes du PDG, dont le «mensonge» sur la spontanéité prétendue des jeunes transportés en masse à l’aéroport international Léon Mba n’a pas réussi à cacher qu’il s’agissait, en réalité, de se faire bien voir auprès du chef de l’Etat, malmené la semaine dernière par un documentaire sur France 2. Cette mobilisation, on l’a compris, en lisant le post du coordonnateur national de l’UJPDG, était en effet l’occasion d’un nouveau duel entre les différents jeunes soutiens du président, avec d’un côté l’UJPDG, l’UFPDG, l’Association des jeunes émergents volontaires (Ajev) de Brice Laccruche Alihanga et de l’autre les jeunes de l’Union pour la démocratie et l’intégration sociale (Udis) d’Hervé Patrick Opiangah. L’«incontestable succès (de cette mobilisation) n’est pas le «coup de génie» de ceux qui veulent s’en approprier la paternité exclusive, mais plutôt l’addition de toutes les forces politiques et républicaines qui croient et soutiennent le président Ali Bongo Ondimba», lit-on sur le Facebook de Vivien Makaga Péa. Comme quoi, cette mobilisation était loin de servir au seul Ali Bongo.
Sur les réseaux sociaux, PDGistes et membres de la majorité n’ont pas tardé à s’écharper sur la question de l’importance de cette mobilisation. Beaucoup l’ont jugée «inutile», voire «surannée». Leur principal argument : le coût qu’elle a nécessité. D’aucuns l’estiment entre 50 et 70 millions de francs CFA. Si un manifestant a confié à l’AFP que chacun des jeunes transportés à l’aéroport a reçu 8000 francs, alors que les organisateurs ont estimé le nombre de participants à 5000, un simple calcul établit que, seule la rétribution des jeunes a coûté pas moins de 40 millions de francs. A cela, il faut ajouter la location des bus ayant servi au transport des jeunes, la récompense des «rabatteurs», l’achat et l’impression des banderoles et T-Shirts. Cet argent n’aurait-il pas pu servir à autre chose qu’à organiser une parodie de mobilisation «spontanée» au profit de quelqu’un qui n’en avait pas nécessairement besoin ?
Dès lors, d’autres questions se posent : Les «amis» d’Ali Bongo auraient-ils un problème avec la vérité ? Sont-ils seulement capables de s’empêcher de mentir à celui qu’ils prétendent soutenir ? Les «émergents» -comme les nomment les «puristes» du PDG- nourriraient-ils un autre plan que celui de porter le président de la République jusqu’au terme de son mandat au moins ? La seule réponse à apporter au documentaire accablant de France 2 («Complément d’enquête» du 6 juillet 2016) est-elle cette seule mobilisation populaire ?