La filière bénéficie des réformes engagées en 2010, mais l’État et les industriels ont encore fort à faire pour atteindre les objectifs fixés, qui sont aussi ambitieux que le pays est vert.
Régis Immongault, ministre de l’Économie, de la Prospective et de la Programmation du développement, est catégorique : il faut se féliciter des mesures mises en œuvre depuis 2010 en vue de l’industrialisation de la filière bois. Selon les chiffres de son ministère, le produit intérieur brut de l’industrie forestière et le nombre d’emplois directs ont déjà augmenté, notamment du fait de l’interdiction d’exportation des grumes en 2010.
Alors que la mesure avait été accueillie plus que froidement en 2010, les industriels étant alors incapables de transformer le bois au Gabon, la filière est aujourd’hui en bonne santé.
Des métiers en évolution
Elle est le deuxième pourvoyeur d’emplois dans le pays, en particulier chez les jeunes, derrière la fonction publique. « Sa participation au PIB retrouve son niveau d’avant la crise internationale de 2009‑2010, et le nombre d’emplois y a doublé », explique Sylvie Dossou, représentante de la Banque mondiale au Gabon.
Le pays a donc en partie remporté son pari. Et l’efficacité est au rendez-vous : alors que l’industrie forestière consommait entre 1,2 et 1,5 million de mètres cubes de grumes par an avant 2010, elle peut en transformer au moins 2,5 millions en 2017.
Tous les voyants ne sont cependant pas au vert. D’abord, les recettes fiscales directes et indirectes, notamment en taxes à l’exportation, se seraient effondrées, jusqu’à 80 % de baisse dans le secteur entre 2008 et 2014, pour les plus pessimistes. Ensuite, « le temps d’adaptation des entreprises a provoqué licenciements et exode rural dans certaines régions », confie un professionnel.
Enfin, « il aurait fallu créer des débouchés nationaux pour les produits transformés, explique l’analyste gabonais Mays Mouissi. Au lieu de cela, pour l’un des rares programmes immobiliers lancés, le gouvernement a préféré des logements dont les matériaux ont été importés de Turquie ».
Un programme d’aide de la Banque mondiale
Le pays compte pourtant plus de 400 essences d’arbre, dont l’okoumé, un bois utilisé dans la fabrication du contreplaqué et qui représente 25 % des ressources forestières du Gabon.
« De nombreux défis restent à surmonter », reconnaît le ministre de l’Économie. Formation du personnel, renouvellement des équipements, soutien aux opérateurs de la filière via de nouvelles zones économiques spéciales (ZES)… les chantiers sont nombreux, tout comme les attentes. « La ZES de Nkok [construite par l’État et le groupe Olam à partir de 2010 à 25 km de Libreville] est une réussite, mais elle doit encore servir d’exemple pour l’incitation des entreprises et la création d’usines de transformation et d’emplois qualifiés », explique un industriel.
La Banque mondiale a d’ores et déjà prévu un programme d’aide d’un peu plus de 90 millions de dollars (80 millions d’euros) sur dix ans.
La ministre de l’Économie forestière, Estelle Ondo, a inauguré en février une unité de transformation d’un genre nouveau, baptisée Three Layer, au sein du complexe industriel Rain Forest Management (RFM) de Mbomao, dans le département de la Lopé.
Cette unité repose sur un concept d’assemblage de trois bois en un seul, en vue de mieux rentabiliser la ressource et de réduire le taux de déchets du bois ainsi que son rendement. « Cette technologie participe à la formation des jeunes Gabonais », se réjouissait alors la ministre, en prévoyant un partenariat avec l’École nationale des eaux et forêts.
Des usines similaires devraient s’ouvrir dans le Woleu-Ntem et la Ngounié. Avec une superficie forestière de 22 millions d’hectares dont plus de la moitié est exploitable, le Gabon ne manque pas de potentiel. L’objectif de la filière bois est de contribuer à 10 % du PIB, soit plus du triple de ce qu’elle représente actuellement.
Par Mathieu Olivier