Retour sur un documentaire à polémique et sur les fondements de notre ligne éditoriale.
Tout ou presque a été dit sur le documentaire de France 2 au sujet de la vie d’Ali Bongo. Sous toutes les coutures, sous tous les angles, il a été disséqué, commenté, analysé. Nous y avons pris notre part. Nous avons parlé de ses approximations historiques voire d’une tentative de réécrire certains faits connus de nombreux Gabonais. Nous avons évoqué le choix des auteurs de témoignages, pas toujours les plus crédibles à notre avis. Nous avons dénoncé la complaisance vis-à-vis de la France ou tout simplement la volonté de faire oublier son rôle. Nous nous sommes émus de la tendance à faire comme si la grille de lecture devait nécessairement varier en fonction du sujet ou du pays concerné. Naturellement, nous avons été pris à partie, traités de tous les noms, accusés de chose et d’autres. Là où nous nous attendions à des échanges féconds, nous avons eu droit à des piloris et autres anathèmes à l’emporte-pièce.
Engagement citoyen
Jamais nous n’avons assisté à un tel déferlement de sentences non motivées. Rarement, on a vu une succession de condamnations aussi farfelues. Sans explication plausible, nous sommes passés dans le camp des «ennemis du peuple». Sans justification véritable, nous avons été rangés parmi les «traîtres à la cause de la nation». De tout cela suinte une réalité : une bonne partie de l’opinion publique nationale est gagnée par le désespoir. Faut-il être à ce point désespéré pour fonder tous ses espoirs sur un documentaire, somme toute mal mené ? Il y a de cela sept ans, le film documentaire de Patrick Benquet sur la Françafrique était d’une autre facture, d’une autre teneur et d’un autre alliage. Mais, il n’eut aucun impact sur la suite des événements. Malgré une campagne de sensibilisation rondement menée et en dépit de la détermination de l’opposition à saisir la balle au bond, les choses restèrent en l’état. Les révélations de Michel de Bonnecorse sur les résultats de la présidentielle d’août 2009 ne donnèrent lieu à aucun service après-vente.
Exerçant notre métier conformément à la Charte de Munich, nous avons le devoir de nous souvenir de tout cela. N’en déplaise aux gogos de tout poil, nous devons exercer notre droit au libre commentaire et à la critique constructive. Au-delà de nos sympathies personnelles, de nos fréquentations ou accointances, nous ne pouvons nous muer en propagandistes. Malgré une ferme volonté de satisfaire nos lecteurs, nous sommes contraints de refuser toute pression et rejeter toute consigne édictée en dehors de notre rédaction. Magazine web du Gabon, indépendant et gratuit, Gabonreview n’est inféodé ni à l’opposition ni à la majorité. Nos journalistes sont des professionnels et pas des militants. Nos analyses et commentaires reflètent le point de vue de la rédaction et non celui d’un parti ou d’un leader politique. Notre engagement est citoyen et non politique. Il repose sur les seuls droits naturels et imprescriptibles de l’homme. L’égalité, la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression sont nos uniques balises.
Vigilance
Fondamentalement attachés à l’égalité, nous nous opposons au régime des privilèges, à la politisation de l’administration et à toute forme de préférence dans la mise à disposition des moyens d’existence. Profondément engagés dans la défense de la liberté, nous militons pour la stricte application de la loi et le droit d’agir librement sans s’exposer à des représailles éventuelles. Totalement acquis à la notion de propriété, nous reconnaissons à chacun le droit de disposer d’un patrimoine propre. Entièrement tournés vers la quête de sûreté, nous voulons rassurer les uns et demander aux autres de protéger les plus faibles. Revendiquant le droit de résister à l’oppression, nous militons pour davantage de démocratie. Aux intérêts des multinationales françaises, nous opposons ceux du peuple gabonais. Aux témoignages de quidams perdus dans la France, nous mettons en avant ceux de certains compatriotes. À l’adoubement par Nicolas Sarkozy, nous optons pour le respect du libre choix des Gabonais. Face aux révélations supposées de Robert Bourgi ou analyses d’Antoine Glaser, nous aurions préféré entendre des personnalités comme Louis-Gaston Mayila, Jean-Pierre Lemboumba Lepandou, Michel Essonghé, Chantal Myboto Gondjout ou Laure Olga Gondjout dont la proximité avec Omar Bongo n’est un secret pour personne.
Nos convictions, la déontologie de notre métier nous commandent de toujours rechercher les ressorts d’une opinion. Tout cela nous oblige à systématiquement interroger le pourquoi du comment des choses. Nous ne pouvons nous contenter d’une dénonciation sans demander comment et pourquoi en sommes-nous arrivés là. Depuis plus de 50 ans, la crédulité des nôtres a été le terreau sur lequel les intrigues et autres manœuvres antidémocratiques ont prospéré. Tout cela nous incline à faire montre de vigilance et à aller au-delà des apparences. Surtout, tout cela ramène en nous une réalité historique : dans la longue marche du peuple gabonais vers plus de liberté, d’égalité et de sûreté, la patrie des droits de l’Homme n’a jamais été du côté des dominés mais aux côtés des dominants.