En août 2016, Jean Ping, le leader de l’opposition gabonaise, refuse de reconnaître Ali Bongo comme président du Gabon à l’issue de l’élection présidentielle.
31 août 2016. Au Gabon, Ali Bongo est déclaré vainqueur de l’élection présidentielle, avec 5 000 voix d’avance… Le leader de l’opposition, Jean Ping, arrivé deuxième, conteste le résultat et réclame un nouveau décompte des voix. Il dénonce une fraude dans la province natale d’Ali Bongo où le taux de participation dépasse les 99,9%, contre 59% au niveau national. Jean Ping refuse de reconnaître Ali Bongo comme président élu. « Nous avons affaire à un véritable tyran. Nous demandons de compter les voix, bureau par bureau. Le peuple gabonais a envie de changement et a besoin d’être protégé. »
« Je suis le président élu »
Après l’annonce de la réélection d’Ali Bongo, des émeutes meurtrières et des pillages secouent la capitale Libreville et plusieurs grandes villes du pays. Plus de 1 000 personnes sont interpellées et Jean Ping doit quitter son quartier général et trouver refuge dans un lieu tenu secret. Onze mois plus tard, Jean Ping poursuit son combat et refuse de reconnaître la victoire d’Ali Bongo. « Je ne me considère pas comme le président élu… je suis le président élu !, martèle Jean Ping, impeccable dans son costume noir. Tous ceux qui ont observé les élections le savent. Ils sont allés sur place, ils savent qui a été élu et qui a volé les élections. Ailleurs, parfois on triche, mais on ne vous prend pas la main dans le sac. Là, mon adversaire a été pris la main dans le sac par tous les observateurs. »
Pourtant, le leader de l’opposition est loin de mener une vie de président. « Je suis surveillé en permanence, explique-t-il. J’ai des éléments de la sécurité qui sont là, nuit et jour. Donc, c’est comme si j’étais en résidence surveillée. Je suis menacé. Nous sommes souvent terrorisés. On envoie des gens brûler les maisons de nos partenaires. Un matin, j’ai été attaqué par 300 personnes venues lancer des cailloux, caillasser ma maison. C’est permanent, c’est évident. »
Partisans emprisonnés
Plusieurs des partisans de Jean Ping ont été emprisonnés après les émeutes post-électorales. Que deviennent-ils ? « Beaucoup sont toujours en prison, explique l’adversaire de l’actuel président. Et il y en a même d’autres qu’on emprisonne à nouveau. Il y a, par exemple, un député de la majorité qui est arrêté, torturé. » Pour Jean Ping, les partisans d’Ali Bongo « croient que c’est par la menace, la torture qu’ils vont pouvoir se maintenir. Nous avons chez nous un cercle vicieux depuis des décennies. On organise des élections, on tripatouille et on proclame le vaincu, vainqueur. On tire sur les gens, on terrorise les gens puis on vous appelle au dialogue. On se partage les postes et cela recommence. »
Départ d’Ali Bongo ?
Jean Ping en est persuadé : « Ali Bongo ne pourra pas se maintenir » et va quitter le pouvoir. « Le pouvoir est détenu depuis un demi-siècle par une même famille, rappelle-t-il. Un système de dictature et de monarchie, cela ne peut pas durer et ça ne durera pas. Peu importe d’où viendra la pression, qu’elle vienne de l’extérieur, de la rue, des amis, ce n’est pas acceptable. »
Cette « pression », selon lui, « doit se faire le plus vite possible parce que le pays est bloqué. Cela ne tourne plus. Cela ne marche plus. Si ça doit rester comme par la volonté d’un seul homme ça n’est pas possible. Même à l’intérieur de son camp, cela va se fissurer, cela se fissure déjà. »
Soutien de l’UE
Jean Ping attend désormais du soutien de « toute la communauté internationale qui s’est impliquée », y compris de la France « qui a toujours été le partenaire privilégié de l’Afrique en générale, de l’Afrique francophone », indique-t-il, tout en admettant qu’il n’a jamais rencontré le nouveau président français. « Je ne le connais même pas. Mais nous avons suivi tout ce qu’il a dit, tout ce qu’il a fait. Et nous avons de l’espoir. »
S’il n’a pas encore eu de contact direct avec Emmanuel Macron, Jean Ping peut compter sur le soutien de la diaspora gabonaise de Paris qui se rassemble régulièrement sur l’esplanade du Trocadéro. Fin juin, une juge d’instruction parisienne a décidé d’enquêter sur d’éventuels crimes contre l’humanité après la victoire d’Ali Bongo.