Un nouvel attentat à Ouagadougou a fait 18 morts. Le « G5 Sahel », coalition de pays africains censée agir dans la région contre la menace djihadiste avec l’appui de la France, n’est toujours pas opérationnel.
Une attaque terroriste a été à nouveau menée à Ouagadougou, dans la soirée du 13 au 14 août, à seulement 200 mètres de l’attentat perpétré en janvier 2016 au café Cappuccino, qui à l’époque avait fait 30 morts. Elle a cette fois frappé le café-restaurant Aziz Istanbul, bien connu des Burkinabés et des étrangers expatriés dans la capitale pour ses retransmissions de matchs de football. Les deux assaillants, arrivés à moto et armés de kalachnikov, n’ont laissé aucune chance aux clients installés en terrasse.
Le bilan est lourd : 18 morts, dont huit Burkinabè et sept étrangers (un Français, une Canadienne, un Sénégalais, un Nigérian, un Turc et deux Koweïtiennes), a précisé la procureure Maïza Sérémé en attendant d’identifier les autres victimes. Une dizaine de personnes ont été blessées. Les terroristes ont fini par être « neutralisés » à l’arrière du restaurant au terme d’un assaut des forces de l’ordre long de plusieurs heures.
L’attentat n’avait pas été revendiqué le 15 août, contrairement à la tuerie de janvier 2016 signé par Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Philippe Hugon, directeur de recherche à l’IRIS en charge de l’Afrique, fait néanmoins le rapprochement. « Cette réplique terroriste, avec le même mode opératoire, est le signe d’un pouvoir burkinabé devenu plus vulnérable en raison de trois facteurs : la chute de l’ancien président Blaise Compaoré, l’expansion territoriale des réseaux terroristes vers le sud et enfin la présence française dans ce pays, qui sert de siège des services de renseignement pour l’opération Barkhane », résume-t-il.
Le renversement de Blaise Compaoré, facteur de déstabilisation
Les frontières sont poreuses au nord du pays, confirme Daouda Gary-Tounkara, spécialiste de l’histoire contemporaine de la région au CNRS. « Il y a depuis longtemps beaucoup de circulation, pour les marchandises et les personnes, et plus récemment pour les djihadistes. »
Le renversement populaire de Blaise Compaoré, qui avait tenu le pays d’une main de fer entre 1987 et 2014, a eu pour effet indirect d’affaiblir la sécurité intérieure, permettant aux groupes islamistes de se lancer dans une série d’enlèvements et d’attentats. Blaise Compaoré, en effet, avait négocié des pactes de non-agression avec certains groupes à la fois terroristes et mafieux.
Ces accords sont aujourd’hui caducs. La dissolution en septembre 2015 du régiment de sécurité présidentielle (RSP), après un coup d’État manqué, a un peu plus fragilisé l’édifice sécuritaire que le nouveau pouvoir a le plus grand mal à reconstruire. Depuis 2015, près de la frontière entre le Burkina Faso et le Mali, une vingtaine d’attaques terroristes ont fauché la vie de près de 70 personnes.
La gestation difficile du « G5 Sahel »
« L’assaut du café-restaurant Aziz Istanbul est aussi pour ses auteurs une façon de signifier à la France que la sécurité est loin d’être rétablie, malgré l’appui de l’opération militaire Barkhane et la tentative de créer dans la région une coalition contre le terrorisme », estime Daouda Gary-Tounkara. L’armée française, qui déploie près de 4 000 militaires dans toute la zone sahélo-saharienne, pousse à la création d’une force conjointe contre les groupes terroristes appelée « G5 Sahel », censée réunir la Mauritanie, le Tchad, le Mali, le Niger et le Burkina Faso.
Cette dernière devrait en principe compter plus de 5 000 hommes, mais elle n’est toujours pas opérationnelle malgré un lancement en novembre 2015 et plusieurs tentatives de réactivation, dont la dernière en juillet sous l’impulsion du président français Emmanuel Macron.
Ce projet, pour fonctionner, manque de moyens humains et logistiques tant le territoire à couvrir est vaste et difficile à contrôler. « Il faudrait surtout une meilleure collaboration entre les pays de cette zone, qui dans ce genre d’opération n’ont jusque-là pas réussi à dépasser leurs clivages pour coordonner leurs armées, leur renseignement au sol, leurs actions », insiste Philippe Hugon.
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Au Mali, l’ONU victime de deux attaques
Neuf personnes ont été tuées lundi 14 août, lors de deux attaques distinctes contre la mission de l’ONU au Mali (Minusma).
Une première attaque a visé des camps des casques bleus à Douentza, dans le centre du pays, entraînant la mort d’un soldat togolais et d’un militaire malien.
Et d’autres hommes armés ont pris d’assaut le quartier général de la Minusma à Tombouctou (nord-ouest). Cinq gardes maliens de la mission de l’ONU ont été tués.
Ces attaques « peuvent constituer des crimes de guerre en vertu du droit international », a déclaré à New York le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, alors que le Conseil de sécurité devait discuter de la menace terroriste en Afrique, hier.
Jean-Baptiste François