La ville de Sokodé était plongée, dimanche 20 août, dans un climat de peur, au lendemain de la manifestation du Parti national panafricain (PNP), au cours de laquelle au moins deux opposants ont été tués par des tirs des forces de l’ordre. A Lomé, la capitale, la situation restait encore plus tendue, après une nouvelle tentative de manifestation du PNP, dimanche matin, toujours pour réclamer le retour à la Constitution de 1992. Le secrétaire général du PNP, le docteur Sama, a été arrêté. Il était toujours au commissariat dans la soirée de dimanche.
Lomé, Anié, Kara et Sokodé : ce sont autant de villes du Togo où des manifestations d’opposants ont été violemment dispersées, samedi 19 août, par les forces de l’ordre.
C’est à Sokodé, ville du centre du pays, située à plus de 300 km au nord de la capitale, et bastion du PNP, que la répression a été la plus brutale. Au moins deux manifestants ont été tués, admettent les autorités.
Sokodé désert
Les témoignages recueillis par RFI, dans la matinée de dimanche, insistent sur le climat de peur qui règne à Sokodé. Ils décrivent une ville déserte, ayant des airs de ville-fantôme, avec des militaires postés aux principaux carrefours.
D’autres témoins affirment que de nombreux manifestants ont fui Sokodé par peur d’être arrêtés tandis que d’autres se terrent chez eux, comme cet homme qui a souhaité conserver l’anonymat. Il était dans le cortège, samedi, et affirme que la nuit de samedi a été « une nuit de terreur ».
« Il y avait des militaires à chaque mètre. Normalement, c’était la gendarmerie et la police qui devaient assurer la sécurité mais voilà qu’ils ont eu des renforts de Kara, des bérets rouges et des bérets verts qui sont venus en tenue civile. Ils ont poursuivi des gens jusque dans leurs maisons. Un parent a dit qu’ils sont venus, ont ouvert le portail, en tenue civile, et qu’ils ont commencé par bastonner », a-t-il souligné, avant d’ajouter qu’au cours de la manifestation, il a vu un de ses amis tomber, d’abord sous l’effet des gaz lacrymogènes, puis sous les coups de matraque.
Ouverture d’une enquête judiciaire à Sokodé
Il précise également que la situation a dégénéré lorsque le cortège a voulu prendre la direction de la préfecture, samedi, sans autorisation. Malgré les gaz, la foule a insisté. Elle a alors été visée par des balles en caoutchouc. D’autres témoins parlent de tirs à balles réelles.
Le commissariat de la ville a été incendié à Sokodé, ainsi que deux véhicules des forces de l’ordre. Selon plusieurs sources, du matériel et, notamment des munitions ont été volées.
« La justice a immédiatement entamé des enquêtes pour situer les responsabilités parce que ce n’est pas admissible. Il y a eu 57 blessés du côté des forces de sécurité et 20 du côté des manifestants, plus deux morts [à Sokodé, NDLR]. Le gouvernement tient à présenter ses condoléances aux familles éplorées et souhaite un prompt rétablissement aux blessés », a indiqué dimanche le ministre de l’Administration territoriale du Togo, Payadowa Boukpessi. Des interpellations ont eu lieu afin de trouver les responsables des incendies.
Situation encore plus tendue à Lomé
Si Sokodé ressemblait à une ville-fantôme, dimanche matin, à Lomé, la situation était encore plus tendue. Le PNP, pour maintenir la pression, a organisé une nouvelle manifestation. Selon le conseiller principal du PNP, Tikpi Atchadam, dès 8h, près d’un millier de personnes s’est rassemblées. Les protestatires ont été rapidement dispersés. Le secrétaire général du parti, le docteur Sama, a été arrêté. Il était toujours au commissariat dans la soirée de dimanche.
Samedi, le leader du PNP parlait de dizaines d’arrestations à travers le pays. Des arrestations ont effectivement été aussi signalées à Kara, Anié et Lomé.
Soutien du chef de file de l’opposition au PNP
Dimanche matin, aucun responsable des forces de l’ordre ou du ministère de la Sécurité n’étaient joignables mais, samedi, le directeur de la police nationale annonçait qu’il y avait eu deux décès, lors de la manifestation de Sokodé. Le ministre de l’Administration territoriale confirme donc ce bilan, ce dimanche, appelant le PNP à sa part de responsabilité.
« Nous reprochons au PNP, d’abord, de ne pas s’être conformé aux lois de la République togolaise sur les manifestations. Ce qu’ils voulaient faire n’était pas correct. Ils voulaient bloquer tout le pays. Je vous le dis : les manifestants étaient armés de pierre, de couteaux, de coupe-coupe. Ils s’attaquaient aux forces de l’ordre qui étaient là pour assurer leur sécurité », soutient Payadowa Boukpessi. Tikpi Atchadam affirmait, lui, samedi, que les manifestants marchaient les « mains nues ».
Dimanche, lors d’une conférence de presse, le président de la Ligue togolaise des droits de l’homme, Raphaël Kpandé-Adjaré, a fait le bilan de la manifestation et accusé le gouvernement d’avoir prémédité cette répression. Pour lui, Faure Gnassingbé doit rassurer les Togolais sur la question des réformes, qui est à l’origine de ces manifestations.
Nous demandons que les auteurs de ces meurtres ne restent pas impunis, mais aussi la libération immédiate et sans condition des personnes qui ont été interpellées parce que nous disons que c’est une répression qui est préméditée au regard de la sortie médiatique des ministres de l’Administration territoriale et de la Sécurité.
Raphaël Kpandé-Adjaré
Jean-Pierre Fabre, chef de file de l’opposition togolaise, avait promis, vendredi, « de ne pas rester inactif si le pouvoir persistait dans sa volonté d’empêcher la manifestation » de ses camarades du PNP dont il partage les revendications. Après les violences qui ont émaillé la journée de samedi, il a réitéré son soutien au Parti national panafricain.
Au Gabon, le représentant du PNP a été relâché samedi soir. Il avait été arrêté samedi suite au rassemblement de ressortissants togolais devant leur ambassade à Libreville.