Réputés pour être excessivement portés sur l’alcool avec 5 à 7 millions de consommateurs, réguliers et occasionnels, à raison de 6 à 10 canettes ou bouteilles/jour, d’après des spécialistes du domaine, les Algériens se sont avérés être parmi les populations les plus «sobres» d’Afrique, voire du monde.
Ce constat, c’est l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui vient de l’établir au terme d’une étude toute fraîche ayant ciblé plus d’une centaine de pays du globe où l’on «boit avec modération». En effet, s’appuyant sur certains indicateurs, volume de la consommation mesuré en litres d’alcool pur, par an et par habitant de 15 ans et plus, cette étude ayant exclu la Mauritanie, la Libye, la Somalie et la Namibie pour absence de données en la matière, les experts de l’OMS feront savoir que la consommation annuelle d’alcool pur en Algérie était de l’ordre de 0,11 litres/habitant de plus de 15 ans, en moyenne.
Un volume qui place notre pays à la queue du peloton africain, juste avant le Niger, soit 48e sur un total de 49 pays étudiés. Mieux, les Algériens seraient plus «sages» que leurs voisins marocains et tunisiens, ou encore égyptiens, qui consomment respectivement 1,26; 0,45 et 0,20 litre, soit 33e, 43e et 45e rang sur l’ensemble continental. Dans ce classement inédit et «enivrant», le Gabon arrive en tête avec une moyenne de 9,01 litres. Il est suivi du Nigeria (8,9 litres), de l’Ouganda (8,33 litres), de l’Afrique du Sud (7,77 litres) et du Rwanda (7,12 litres).
Dans la même étude est, en outre, soulignée la propension des Européens à consommer sans modération, une moyenne annuelle de 10 à 12 litres d’alcool pur par habitant dépassant les 15 piges, tandis que du côté des Américains, la consommation s’élèverait à 8,55 litres, contre 5,75 litres pour les Chinois.
Le record mondial étant à l’actif des Biélorusses, avec une moyenne annuelle de 14,3 litres.
Comme pour mieux illustrer les paradoxes dont se distinguent certains pays musulmans, les auteurs de la même étude, d’où, faut-il le souligner, étaient exclues toutes les populations abstinentes, ont laissé déduire qu’avec une consommation culminant à 32,8 litres/an, les buveurs d’alcool aux Emirats arabes unis, bien qu’ils soient très minoritaires, ont permis à leur pays de s’adjuger une place de choix parmi les contrées les plus imbibées au monde. Idem pour les Tchadiens, les Gambiens et les Maliens, dont la tendance à «lever le coude» est à l’exaltation, en témoignent les 33,9, 30,9 et 29,3 litres d’alcool pur respectivement ingurgités/ha chaque année.
C’est dire que contrairement à ce qui se dit un peu partout, les Algériens, à en croire les résultats de l’enquête de l’OMS, ne seraient pas de grands passionnés de griseries.
Pourtant, certains chiffres issus d’autres études locales disent le contraire : rien que dans la filière de la bière, un travail de recherche exhaustif, fruit d’enquêtes de terrain menées à travers les grandes villes algériennes où sont enregistrés les plus forts taux de consommation, un groupe de scientifiques de l’Association nationale pour la protection de l’environnement et la lutte contre la pollution (ANPEP) livre un état des lieux qui donne le tournis: au minimum, 25 à 30 millions de bouteilles de verre vides, l’équivalent de 72 000 tonnes/an, sont, chaque jour que Dieu fait, larguées en pleine nature.
1000 bouteilles de verre qui assaillent nos plages, forêts, oueds, rivières ou encore les abords des routes, c’est l’équivalent de 89 à 100 euros (8 DA/unité) de perdus, ces bouteilles provenant de France, Belgique, Allemagne, Portugal, Turquie, Egypte et Tunisie, car non fabriquées localement. 90% de la production nationale de bière, 400 000 à 500 000 hectolitres, sont absorbés par les dépositaires, les établissements classés et non classés se partageant le reste (10%).
Avec ses deux unités (Annaba et Oran) dont la production se situerait respectivement à 1600 et 1000 hl/j (canettes et bouteilles), Albav (El Tarf), filiale du puissant Groupe Castel Algérie, numéro un de la bière en Algérie, détient 60 à 65 % de parts de marché. Quant à la «sobriété» des Algériens, il aurait également suffi aux scientifiques de l’organisation onusienne pour la santé d’une virée du côté de nos grandes villes, celles littorales en particulier, pour se rendre compte de l’écart entre leur constat et la réalité.
En sillonnant la côte algérienne, longue de 1200 km, c’est une véritable mosaïque naturelle, plages sablonneuses entourées de végétation, criques rocheuses, estuaires, fleuves côtiers, vallées, îlots… qu’ils découvriront. Mais le paysage serait beaucoup moins harmonieux lorsqu’ils prêteront attention aux immenses amas de cadavres et de tessons de bouteilles ou canettes d’alcool qui assaillent nos plages, forêts, oueds, rivières ou encore les abords des routes.
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Une halte à Annaba, la «coquette», par exemple, où plus de 3000 caisses de 24 unités/jour sont mises sur le marché local, leur permettrait d’apprécier un décor fortement «grisant», pas moins de 72 000 bouteilles vides jonchant les abords des routes, enfouies sur les plages, déposées aux pieds des immeubles, des écoles, flottant à la surface des eaux des oueds, du littoral, des ports, ou abandonnées le long des chemins forestiers…