Après l’interdiction d’antenne des médias publics faite par le ministre de la communication, Alain Claude Billie By-Nze et l’interdiction de sortie du pays d’Albert Ondo Ossa et Casimir Oye Mba, deux soutiens de Jean Ping, la semaine dernière, l’opposition proche de Jean Ping est désormais vouée au bannissement. Faut-il y voir une atteinte à la démocratie ?
En moins d’une semaine, l’opposition réunie autour de son ancien candidat à la dernière présidentielle, Jean Ping, qui continue de contester la réélection d’Ali Bongo Ondimba s’est vu confisquer deux libertés fondamentales : la liberté d’opinion sur les médias publics et la liberté de voyager, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Après Albert Ondo Ossa, empêché d’aller au Cameroun en début de semaine, le tour est revenu vendredi dernier à Casimir Oye Mba, qui lui, souhaitait rallier la France, tous les deux, anciens candidats aux élections présidentielles de 2009 et 2016. Des interdictions sans notification préalable aucune, leur seul péché étant d’être soutiens de l’adversaire d’Ali Bongo Ondimba, Jean Ping.
Puisque le ministre de l’intérieur, Noël Lambert Matha, a révélé dans une interview exclusive à Radio France Internationale, l’existence d’une liste noire interdisant à une vingtaine de personnalités proches de l’opposant de quitter le sol gabonais. Et pour cause, le discours à la nation de Jean Ping appelant ses partisans à la désobéissance civile, afin de l’installer au palais du bord de mer, à l’occasion de la fête de l’indépendance du 17 août dernier, constitue, selon Lambert Matha, une menace grave à la sureté de l’Etat. Avant le Ministre de l’Intérieur, c’est son collègue de la communication, Alain Claude Billie By-Nze, qui affirmait quelques jours plutôt, ostentatoirement et fièrement que ceux qui contestent la légitimité du pouvoir en place seront désormais bannis des médias d’Etat. Une fierté qui peut être perçue comme scandaleuse, surtout qu’il s’agit des droits et libertés inviolables et imprescriptibles, garantis par la constitution.
Quid de la constitution ?
« La liberté de conscience, de pensée, d’opinion, d’expression, de communication (…) sont garanties à tous, sous réserve du respect de l’ordre public ». Tout comme « La liberté d’aller et venir à l’intérieur de la république gabonaise, d’en sortir et d’y revenir, est garantie à tous les citoyens gabonais, sous réserve du respect de l’ordre public », selon les articles 2 et 3 du préambule de la constitution gabonaise. Même si on peut noter un certain flou artistique autour du groupe de mots « sous réserve du respect de l’ordre public », qui n’est pas clairement expliqué, on pourrait se demander en quoi la déclaration de Jean Ping qui pourtant peine à être suivie sur le terrain, constitue-t-elle une atteinte à la sureté de l’Etat, au point d’interdire aux opposants de voyager ? Pourquoi interdire à Casimir Oye Mba de sortir du pays, lui pourtant si connu pour ses positions tempérées ? Pourquoi interdire à ses adversaires politiques de s’exprimer sur les antennes des médias publics, pourtant financés par le contribuable gabonais ? Les médias publics sont-ils devenus des propriétés privés du pouvoir pour régler ses comptes aux opposants ?
Voilà qui pourrait donner raison à l’opposition qui crie à l’arbitraire. Car plus que des mesures punitives, ces décisions ne visent rien d’autre que la mise en quarantaine politique de ceux qui refusent de reconnaître la légitimité du régime en place. Et ce bannissement, ce confinement ne participent en rien à l’apaisement ou encore à une possible réconciliation nationale. Au contraire, ils ne font qu’accroître le niveau de haine et de violence de la part de ceux qui se sentent confinés et étouffés. C’est un coup porté à la démocratie gabonaise qui, visiblement peine à décoller depuis 1990.
Charles Nestor NKANY