Avec la formation prochaine des cabinets ministériels et du vie-président de la République, l’opinion craint une nouvelle aggravation du «repli identitaire» qui cause tant de maux dans la haute administration : démotivation, frustration, attitudes paralysantes…
Au moment où se tient, au Cap Estérias et pour 48 heures, un séminaire du gouvernement Issozé Ngondet 2, les conversations dans la rue et dans les salons de thé se concentrent sur la couleur que prendront les cabinets ministériels et celui du vice-Président de la République dans les prochaines semaines. Déjà, après la formation du gouvernement le 21 août, l’opinion avait, dans un grand élan, dénoncé «le népotisme ambiant» qui y règne et se demande encore pourquoi le chef du gouvernement avait fait ce choix. Certaines nominations avaient, en tout cas, choqué le corps social.
L’opinion va donc scruter le profil des personnes choisies. La continuité des choix claniques, tribaux et provinciaux ne fait aucun doute. Selon un étudiant en sociologue à la Faculté des lettres et sciences et humaines de l’Université Omar-Bongo (UOB), «le repli identitaire sera à nouveau exacerbé, mis en exergue et magnifié ; on réserve toujours les postes les plus importants à ses frères et sœurs du clan et de la province, et les deux ou trois personnes choisies en dehors de ce périmètre sont désignées pour servir de chauffeur particulier, d’aide de camp, de chef du protocole ou d’agent de liaison».
Exclusion des «autres», rassemblement des «nôtres»
Selon le sociologue en herbe, «le népotisme a connu le 21 août dernier une accélération de son processus d’enracinement». Il s’interroge sur les raisons ayant amené le Gabon à devenir un terreau si favorable au népotisme et à tous ses dérivés, concluant que «cela est dû à un besoin d’affirmation de ses origines, mais cela a des portées négatives». Car on observe, dans ce contexte, «un fort désir d’unité clanique et tribale où l’exclusion des «autres» doit permettre d’assurer le rassemblement des «nôtres». En réalité, les nominations basées sur le repli identitaire, donc sur la préférence ethnique et départementaliste, recouvrent souvent en fait la fragmentation de l’idée d’unité et de cohésion nationale. Beaucoup de responsables politiques sont convaincus que le «travailler entre nous» leur permettrait d’avoir la reconnaissance de leurs concitoyens du village, tout en leur assurant une longévité gouvernementale. Ce n’est vrai ni dans le premier cas, ni dans le second». De nombreux observateurs citent, à ce sujet, le cas de Luc Oyoubi qui, lors de son passage au gouvernement, avait fait le choix de s’entourer de nombre de ses «proches» du pays de la Brikolo (Bayi-Brikolo et Sébé-Brikolo). Pourtant, son séjour gouvernemental n’avait pas excédé 20 mois.
Exacerbation de l’Etat-village
Résultats des courses : on observe une société gabonaise en voie de désintégration. L’Etat-nation recule au bénéfice de l’Etat-village. Tout cela a pour conséquence de rendre impossible le vivre-ensemble ! La préférence ethnique, clanique et provinciale porte en effet des coups à l’Etat-nation. Comme le dit Nicolas Lebourg, historien et chercheur français, «les valeurs de l’humanité égalitaire cèdent toujours le pas, dans ces contrées, à l’ethnisme des représentations sociales». Et, avec cet état de faits, il est presque sûr que la haute administration – cabinets ministériels, secrétariats généraux et leurs démembrements – restera un foyer de frustrations et de colères enfouies à cause d’un «spoil system» mal assimilé. De quoi rendre inopérantes les maigres politiques publiques engagées ou envisagées ! Le tribalisme, le népotisme – cette grande maladie qui frappe la haute administration n’est malheureusement pas à sa phase terminale !
Le cru 2017 des nominations au cabinet du vice-Président de la République et dans les cabinets ministériels est fortement attendu. Pourvu qu’il porte cette fois la marque d’un Etat débarrassé de ces oripeaux…