Le Sénat a joué son rôle. Conçue pour amortir les soubresauts de la vie politique, la Chambre haute a échappé à la vague macroniste qui avait submergé l’Assemblée nationale en juin dernier, dans la foulée de l’élection d’Emmanuel Macron. Le scrutin de dimanche, au cours duquel les grands électeurs étaient appelés à renouveler la moitié des sièges du Sénat (171), s’est même déroulé à rebours des dernières élections ou des mouvements d’opinion dans le pays. «Cette élection clôt une année électorale exceptionnelle qui aura bouleversé les schémas traditionnels», a observé Gérard Larcher en rappelant le «rôle de stabilisateur institutionnel» du Sénat qu’il préside et en annonçant vouloir en faire un «contre-pouvoir».
Soumis aux ravages de la recomposition politique enclenchée par Emmanuel Macron, Les Républicains confortent leur prédominance au Palais du Luxembourg en obtenant 148 sièges, selon les résultats disponibles peu après 20 heures. En déshérence depuis l’élection présidentielle, les socialistes limitent la casse et obtiennent 72 sénateurs, contre 86 précédemment. Concurrencés dans la rue et à l’Assemblée nationale par Jean-Luc Mélenchon, les communistes conservent leur groupe. De son côté, le Front national, qui disposait de deux sièges non renouvelables, ne gagne aucun élu supplémentaire, même si la présidente du parti, Marine Le Pen, s’est réjouie d’une «vraie progression en voix dans de nombreux départements».
La République en marche, grand perdant du scrutin
Quant à La République en marche, elle apparaît comme le grand perdant du scrutin. Un véritable revers même puisqu’elle n’obtient que 24 sièges, soit cinq de moins qu’auparavant. «Ici, pour le moment, ce qui se passe, c’est finalement le dernier sursaut du monde ancien, a expliqué Bariza Khiari, ancienne sénatrice et membre de la direction provisoire de La République en marche. Parce que les citoyens veulent cette recomposition, elle n’est pas terminée.» Il est vrai que le mode de scrutin ne favorisait pas le parti du président de la République. Issu notamment des dernières élections municipales de 2014 remportées par la droite, le collège électoral plaçait Les Républicains en position de force. D’autant qu’il ne comprenait aucun membre de LREM. D’où la difficulté pour la majorité présidentielle de conquérir de nouveaux sièges.
Les socialistes rassurés
À l’été, le patron des sénateurs macronistes, François Patriat, espérait pourtant obtenir entre 50 et 60 sièges. C’était compter sans les mesures d’Emmanuel Macron, très décriées dans les collectivités locales, comme la suppression de la taxe d’habitation ou des emplois aidés, qui ont fortement pesé dans le vote des grands électeurs. «Nous n’avons pas d’électeurs. Nous partons d’une page blanche. Nous ne pouvions ni gagner ni perdre cette élection, a expliqué François Patriat à l’issue du scrutin avant de renvoyer à la prochaine manche. La vraie élection En marche! au Sénat ce sera en 2020, lorsque nous aurons des conseillers municipaux, des conseillers régionaux, des élus locaux.»
«Je pense que ce soir la réforme constitutionnelle est enterrée»
Luc Carvounas
Pour l’heure, le résultat des sénatoriales a surtout rassuré les socialistes, leur offrant une bouffée d’air électorale après le cataclysme de la présidentielle et des législatives. Et plus particulièrement à Paris où Anne Hidalgo s’inquiétait d’une montée en puissance des partisans d’Emmanuel Macron. L’élection de quatre sénateurs socialistes dans la capitale a finalement rassuré la maire de Paris. «On se retrouve à un niveau qui est le niveau d’une gauche élargie, y compris avec des centristes, élargie telle que nous avons obtenu la confiance des Parisiens en 2014, mais peut-être aussi dans la lignée de ce que nous avions vécu lors des précédentes sénatoriales», s’est-elle réjouie sur Public Sénat.
Pour Emmanuel Macron, les résultats de cette élection sénatoriale compliquent sa tâche. À commencer par la réforme constitutionnelle qu’il souhaite faire adopter et pour laquelle il a besoin d’une majorité des 3/5. Les macronistes espèrent toujours réussir à nouer des alliances avec des élus centristes, radicaux, socialistes ou LR «Constructifs», éventuellement en créant un intergroupe. Au regard des résultats de dimanche soir, les adversaires du chef de l’État ont redoublé d’ardeur.
«Je pense que ce soir la réforme constitutionnelle est enterrée», a assuré le député socialiste Luc Carvounas sur BFM. À droite, le député des Républicains Éric Ciotti assurait quant à lui vouloir faire des sénateurs LR le «contrepoint au pouvoir absolu désiré par Macron». De quoi compliquer la tâche du président de la République mais pas forcément de quoi l’empêcher d’essayer de la réaliser. En cas de blocage au Sénat pour la réforme constitutionnelle, il lui reste la voie référendaire. Autour de lui, certains assurent qu’il n’hésitera pas une seconde à y recourir.