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Tsun’Ali 2 : Le doute légitime

L’opinion nourrit de sérieuses réserves sur l’efficacité des dernières nominations en conseil des ministres. Est-ce bien justifié ?

Entre jeunisme, clientélisme et népotisme, les vieilles habitudes ont la vie dure. N’ayant tiré aucun enseignement de la période 2009-2016, le pouvoir poursuit sur sa lancée. Fidèle à ses pratiques, il a récemment procédé à un vaste chambardement de l’administration centrale. Dans la foulée, les principaux établissements publics ont été le théâtre d’un jeu de chaises musicales (lire «La valse de l’espoir ?»). L’histoire récente ayant déjà rendu son verdict, pas grand monde ne peut applaudir la persistance de pratiques dommageables pour le vivre ensemble et le fonctionnement régulier de l’Etat. A l’exception des bénéficiaires ou de leurs proches, personne ne peut se réjouir de cette sorte de remake d’une opération de triste mémoire.

Même si une prétendue fine fleur bien-pensante se refuse encore à le reconnaître, le Tsun’Ali 1 a ouvert la voie au vaudeville du 27 août 2016. Il a fait le lit aux événements tragiques du 31 du même mois. En décapitant l’administration en une nuit, le pouvoir avait alors pris le pari de se passer de la mémoire administrative ou institutionnelle, créant les conditions d’une gouvernance hérétique. En misant exclusivement sur des jeunes aux états de service inconnus, il avait ouvert la voie au tâtonnement et à l’arrogance puérile. En privilégiant militants et affidés, il avait choisi de ne pas commercer avec une frange non négligeable de l’élite nationale. En réservant les meilleures positions aux parents, amis et proches, il avait délibérément décidé de tourner le dos à la compétence et aux règles de fonctionnement d’un Etat. Comme il fallait s’y attendre, il en a récolté rancœur, frustration et colère, créant les conditions d’un raidissement des positions, d’une impopularité jamais observée et, finalement, d’un rejet massif. La suite ? On la connait…

Entre coterie et bigoterie

Un peu plus de sept années plus loin, les dernières nominations ravivent le souvenir du 16 octobre 2009 (lire «Ce que vous avez fait en 2009 est honteux et lamentable»). Elles soulignent un refus d’adapter la gouvernance aux défis de l’heure. De par leur ampleur, ces changements traduisent une ferme détermination à tout ramener à soi, à contrôler l’appareil d’Etat, sans égard aucun pour les règles administratives. De façon tout à fait évidente, la liste des promus laisse apparaître une dimension politicienne. Comme en 2009, on y retrouve essentiellement des personnalités à la légitimité technocratique ou administrative sujette à caution. Membres du premier cercle familial, parents de certains soutiens, militants zélés ou jeunes gens à la servilité reconnue, cette distribution des rôles est loin de garantir la performance. Entre coterie et bigoterie, la nécessité de consolider notre vivre-ensemble ne semble pas avoir habité les concepteurs de ces mouvements.

Les internautes le confirment : parmi les nouveaux dirigeants d’établissements publics se trouvent des personnalités reconnues non pas pour leur aptitude au débat ou leurs faits d’armes technocratiques mais pour leur militantisme tapageur voire leur sectarisme décomplexé. Plus éloquent, les cursus de certains promus les prédisposent à tout sauf à leurs nouvelles fonctions. Est-on revenu huit ans en arrière quand, enivré par le pouvoir et sur les conseils d’un certain Léon Ndong N’tem, Paul Biyoghé Mba procédait au nettoyage idéologique au sommet de l’Etat ? Sur quels critères objectifs un médecin a-t-il été nommé à la direction générale du Budget ? Même si certains se feront fort de dresser un parallèle hasardeux avec Jim Yong Kim – président de la Banque mondiale -, on a du mal à cerner la pertinence de ce choix. Sauf, bien entendu, à rechercher dans les liens partisans, matrimoniaux, familiaux ou sanguins.

Casting particulier

Dans tous les cas, ces nominations ont fait la part belle à des personnalités au savoir, savoir-faire et savoir faire-faire douteux. Au-delà des connaissances académiques, la pratique et le sens de l’organisation leur feront inévitablement défaut. S’ils manquent incontestablement d’expérience, on peut légitimement s’interroger sur leurs capacités à s’adapter aux subtilités de l’administration ou aux contraintes de gestion des établissements publics. Au-delà, on peut s’inquiéter de leur réelle capacité à influencer le comportement de leurs administrés en vue d’atteindre les objectifs assignés. Peut-on se prévaloir d’une vision quand on bénéficie d’une récompense politicienne? Peut-on communiquer efficacement ou favoriser la participation de tous quand on est avant tout un militant zélé ? Peut-on connaître ses limites quand on a toujours bénéficié de passe-droits ? Peut-on savoir déléguer quand on s’est construit sur les clivages partisans et le culte du chef ? De toute évidence, les aptitudes au leadership des promus du dernier conseil des ministres sont loin d’être établies. En clair, leur capacité à impulser une dynamique, fédérer ou organiser est suscite la controverse. Surtout, en cette période de vaches maigres

Dans son discours à la nation, le 17 août dernier, Ali Bongo s’était dit déterminé à apporter une «réponse concrète aux problèmes des Gabonais, notamment à ceux de la femme et des jeunes». Est-ce le fondement de ce casting, somme toute, particulier ? On peut le penser. N’empêche, on est en droit de douter de l’efficacité de ces choix. Reste aux promus à apporter la preuve du contraire. Autrement, ils pourraient très vite rejoindre leurs aînés dans les abîmes du désaveu populaire. Faute de le faire, ils courent le risque de retrouver leurs devanciers dans les abysses d’une déchéance orchestrée par leurs mentors d’aujourd’hui.

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